Marina Zurkow, Braingirl, 2003
David 'jhave' Johnston, Flaws, 2003
Motomichi Nakamura, Qrime, 2000
Julien Demeuzois et Karen Le Nihan, Shadows of Computers, 2003
Markus Krämer, Vogelterror. 2001
dossier


LES WEBMONSTRES



Sigmund Freud On jugea toutes ces créatures scandaleuses et aberrantes, fruits d'une nature qui s'égarait à mélanger les espèces.

Tite-Live, Histoire romaine, 31.12.


LES MONSTRES

Qu'est-ce qu'un monstre?
Dans son acception la plus générale, ce terme désigne un être malformé, dénaturé, au physique et/ou au moral, ou alors une créature fantastique ou inouïe, bref, hors normes, et par là inspirant le plus souvent des réactions de rejet, de dégoût et de peur. Cet être « intersticiel » (cf. Noël Carroll (1990)) appartient à un monde en dehors du monde, appréhendé (dans les deux sens du terme) parfois par l'imaginaire collectif ou individuel ou alors par la fiction littéraire. Dans son ouvrage The Philosophy of Horror (1990), Noël Carroll en propose une description simple et maniable qui s'inspire des travaux de l'anthropologue Mary Douglas sur la notion d'impureté.

Celle-ci, dans son célèbre ouvrage De la souillure : essai sur les notions de pollution et de tabou (1966), définit essentiellement la notion d'impureté en l'assimilant à une transgression des catégories conceptuelles d'une société donnée (elles-mêmes considérées comme garantes de l'ordre social, en tant que prolongement d'un ordre cosmique). Est impur, donc, tout être qui échappe à ces catégories, et tombe dans un entre-deux non nommé (et donc innommable), et ce parce qu'il combine en soi deux ou plusieurs catégories jugées incompatibles entre elles, comme par exemple vivant/mort, dedans/dehors, humain/inhumain, etc.

Noël Carroll nous présente ainsi deux types de monstres : ceux nés d'une fusion de plusieurs catégories ou éléments disparates, cohabitant dans un seul et même corps, dans un même lieu au même moment (tel Frankenstein), et ceux qui sont au contraire le fruit d'une scission (« fission ») : doubles, doppelganger, etc. Dans ce dernier cas, c'est le corps qui se scinde, soit d'un point de vue spatial, en se voyant démultiplier en deux êtres distincts, ou davantage, soit d'un point de vue temporel, en devenant tour à tour une entité puis une autre (comme les loup-garous, ou Jekill et Hyde).1

Toutes ces remarques indiquent une chose : même s'il leur arrive d'être des phénomènes naturels, les monstres, avant tout, sont d'abord des créations (conceptions/perceptions) humaines. Or ces monstres tiennent depuis l'avènement de l'ère moderne une place de plus en plus grande dans notre civilisation. Nous sommes maintenant dans une culture de la shock value, de la transgression, de la confession - au point qu'il devient de plus en plus difficile de parler de répression : on dirait plutôt que le refoulé fait retour en force, au point de submerger le monde que nous habitons. Des reality shows les plus extrêmes, en passant par le culte des tueurs en série, les monstres de tout acabit ont envahi la terre, comme les zombies dans la trilogie de George A. Romero2. Rien d'étonnant, donc, à ce que tout cela envahisse aussi le Web : en fait, celui-ci, avec sa nature tentaculaire, décentrée et impossible à censurer, en est devenu un des lieux privilégiés.

Au point de vue proprement culturel (des produits culturels, des « œuvres d'art »), les monstres sont bien sûr typiques d'un genre bien particulier, éminemment moderne - et maintenant postmoderne - celui de l'horreur.


UN GENRE ÉMINEMMENT (POST) MODERNE

Le genre de l'horreur peut se définir, de la manière la plus générale possible, par les critères suivants :1) la présence d'au moins un monstre (ou mutant, extra-terrestre, etc) et 2) le fait que ce ou ces monstre(s) sont présentés et perçus comme anormaux, comme dérogeant à l'ordre naturel (ce qui n'est pas le cas par exemple dans les mythes ou les contes de fées où les monstres et autres créatures fantastiques sont simplement dans l'ordre des choses)3. En outre, c'est un genre qui a pour visée d'horrifier, justement, ses lecteurs et spectateurs : c'est à dire de leur communiquer des sentiments de peur et de dégoût, de les choquer, de les secouer, voire, de les traumatiser (dans les meilleurs - ou les pires! - des cas).

On s'entend pour situer la naissance de ce genre au milieu du XVIIIème siècle avec les romans gothiques anglais. Ce genre n'a cessé ensuite de s'épanouir tout au long des XIXème et XXème siècles, en littérature, au théâtre puis au cinéma. On a mis de l'avant pour expliquer cette naissance, puis cette persistance, des facteurs assez évidents : c'est qu'elles correspondent en gros à l'avènement des Lumières, de la rationalité et de la conception scientifique de la nature4 , et conséquemment à celle de la notion d'instrumentalité qui a donné le coup d'envoi à la révolution industrielle, à l'origine du monde technocratique dans lequel nous vivons toujours.

En ce sens, le genre de l'horreur est toujours révélateur de l'ambivalence des désirs et de l'anxiété suscités par les promesses de ce nouvel ordre du monde : maîtrise de la nature, plénipotence, progrès illimité… mais aussi par ses limites : perte de maîtrise de la science et de ses instruments, revanche de la nature, catastrophes nucléaires et écologiques, etc. Plus particulièrement, au point de vue thématique, on peut retracer de manière assez remarquable dans les œuvres qui appartiennent à ce genre les préoccupations, les angoisses, les obsessions métaphysiques, morales et politiques de telle ou telle époque donnée.5

Ainsi, parallèlement au désenchantement et à la crise des valeurs de la modernité perceptibles depuis les années 70, et qu'on a nommé la postmodernité, on a pu remarquer une résurgence des films d'horreur (en gros, depuis The Exorcist (1973) et ce cycle se poursuit jusqu'à aujourd'hui), dont l'esthétique est marquée désormais de plus en plus par l'auto-référentialité, l'ironie, la distanciation, le collage et la citation, bref, par des procédés typiques de l'art contemporain (cf. Brophy (1983))6. Une autre caractéristique importante est celle du gore : démembrements, corps explosés, évicérations, geysers d'hémoglobine… montrer, et tout montrer, plutôt que suggérer, est devenu la règle : et les personnages y sont présentés moins comme des personnes que comme des corps, ou même, carrément, comme de la viande.7

Ce n'est pas tant que le film d'horreur moderne réfute ou ignore les conventions du genre, mais il est pris dans une violente prise de conscience de lui-même en tant que genre saturé… La gratification du film d'horreur contemporain est basée sur la tension, la peur, l'anxiété, le sadisme et le masochisme, une disposition qui est en fin de compte à la fois dénué de goût et morbide.
(Brophy (1983))
Ainsi, les règles classiques du genre (où l'affrontement de la normalité avec l'anormalité débouchait sur une moralité) jouent de moins en moins - évacuées qu'elles sont par le relativisme rampant du postmodernisme.


L'HORREUR SUR LE WEB

Si les cinq œuvres Web présentées dans ce numéro peuvent être rattachées grosso modo au genre de l'horreur (avec leurs monstres divers, leurs mutations, leur gore aussi parfois), cependant elles ne nous communiquent sans doute pas, en tant que spectateur, un sentiment d'horreur proprement dit, tel que le définit par exemple Noël Carroll (ce qu'il appelle « art-horror ») en s'inspirant des réactions observées traditionnellement chez les lecteurs de littérature d'horreur et surtout les spectateurs de films de monstres, à savoir un sentiment combinant à la fois la peur et le dégoût (et conséquemment le rejet, etc), en même temps bien sûr que la fascination et la curiosité. C'est que, comme le remarque Carroll (1990, p : 18), le plus souvent ces réactions sont calquées sur celles des personnages « normaux » de la fiction qui servent ainsi de modèles aux spectateurs. Or dans les œuvres sélectionnées ici8 , il n'y a pas de personnages « normaux » à observer, pas de réaction à imiter. Ces œuvres ne suscitent pas non plus, comme ceux visés dans les films d'horreur plus contemporains, des effets de choc voulus et obtenus par un savant dosage de réalisme photographique et d'effets spéciaux (cf. Brophy (1983)).

De plus, bien évidemment, les œuvres d'art en général sont tributaires non seulement du genre auquel elles appartiennent, mais encore du médium (et à son histoire et son degré de sophistication) dans lequel elles sont créées et présentées. Ainsi les œuvres d'horreur feront davantage appel en littérature à la description et à la suggestion - en somme aux pouvoirs de la langue écrite - alors qu'au cinéma (surtout contemporain) elles joueront des effets de surprise, de choc et même de « gross-out » permis par les avancées techniques dans ce médium.

Les œuvres conçues pour le Web, encore limitées au point de vue technique (par exemple au niveau de la rendition du réalisme, de la sophistication des effets spéciaux, du temps de téléchargement aussi… du moins pour ce qui est des outils accessibles aux artistes qui travaillent dans ce médium), se caractériseront donc plutôt par leur brièveté, présentant des événements ponctuels et/ou sériels plutôt qu'une narration suivie (du type classique). Bien sûr ce choix esthétique est aussi éminemment postmoderne : nous avons remarqué plus haut dans ces œuvres l'absence de personnages « normaux » ou « positifs » typiques des œuvres d'horreur classiques, où la normalité (l'humanité, ou du moins quelques-uns de ses représentants) est confrontée à l'anormalité (le monstre), dans un cycle narratif du modèle découverte/affrontement/moralité/catharsis. Les œuvres Web sélectionnées ici s'inspirent pêle-mêle, certes des thèmes typiques du récit et du cinéma d'horreur, mais aussi des cartoons, des animés japonais, de Guignol et du Grand Guignol, de la lanterne magique, des films de Méliès et des serials du cinéma muet, des jeux vidéos, etc. Leur esthétique relève ainsi davantage de celle du collage et de la citation typique de l'art contemporain - tout comme, d'ailleurs, les films d'horreur plus récents (comme il a été dit plus haut). De plus, elles sont conçues pour l'écran d'ordinateur, donc en petit format, et pour un spectateur à la fois.9

Ces limites, ce format intime, sont sans doute peu propices à susciter des réactions extrêmes. En fait, nous pourrions suggérer que ces œuvres nous communiquent un sentiment moins brutal, donc, mais plus insidieux et plus ambigu. Elles sont simplement un peu inquiétantes, un peu étranges.


L'INQUIÉTANTE ÉTRANGETÉ

« L'inquétante étrangeté sera cette sorte de l'effrayant qui se rattache aux choses connues depuis longtemps, et de tout temps familières. » (Freud (1919), p : 165) Le sentiment de l'Unheimliche surgit de l'intime soudain perçu comme menaçant (suivant l'ambivalence du sens de ce terme en allemand qui en vient à vouloir dire à la fois intime et étranger).

L'inquétante étrangeté apparaît devant des événements de la vie réelle ou des œuvres de fiction (où il serait à la base, justement, des réactions d'horreur et de terreur suscitées par les histoires de monstres). Selon Sigmund Freud, ce sentiment est causé soit par le retour du refoulé (des craintes, des désirs, des complexes infantiles), soit par la reconfirmation de croyances enfantines surmontées (comme la croyance en l'omnipotence de la pensée, en la résurrection des morts, ou en l'existence de doubles (de soi-même, ou d'autres personnes)). Ainsi, un tel sentiment vient moins de la peur de l'inconnu que de la soudaine re-connaissance de quelque chose à la fois de connu et d'oublié, de nié : « l'Unheimliche, l'inquétante étrangeté, serait quelque chose qui aurait dû demeuré caché et qui est reparu » (Freud (1919), p : 194).

Et les monstres en sont les incarnations métaphoriques (cf. Steven Schneider (1999)), des incarnations qui peuvent prendre au fil du temps des formes diverses, reflétant les conflits, les peurs, les désirs d'une période ou d'une culture donnée.10


LE MONSTRE WEB

Certes, les œuvres sélectionnées ici ne « parlent pas » du Web; mais elles habitent le Web, elles en surgissent. Le Web est d'abord un outil (au contraire d'un téléviseur ou d'un écran de cinéma, conçus essentiellement comme lieux de spectacle). En tant que tel il est une extension de notre corps - comme tous les outils, nous permettant d' (inter)agir avec le monde - mais il s'agit d'un outil, d'un objet familier susceptible, nous le pressentons, d'acquérir une vie propre, de nous échapper ou alors de nous engouffrer. Les monstres et les mutants peuvent bien habiter et envahir le Web. Celui-ci n'est-il pas déjà lui-même un monstre et un mutant, une sorte d'entité tentaculaire, en perpétuel gestation, expansion et recomposition, menaçant, dédoublant, mimant, suçant de son sang, de sa vie, le « monde réel » au profit d'un monde virtuel? Et ne savons-nous pas que le Web peut nous offrir, potentiellement, tout et son contraire, du plus sérieux au plus horrible, en passant par le plus grotesque?11 Ne percevons-nous pas, sous l'écran de notre ordinateur, un grouillement inquiétant?

Le Web - la toile - attribut de l'araignée (entité répugnante par excellence) - est donc bien une « métonymie horrifique » (cf. Carroll (1990), p : 51). La gigantesque araignée qui habite cette toile (incarnation monstrueuse d'une intelligence à la fois collective et fusée en une seule) pourra bien ne jamais exister, nous pouvons néanmoins la pressentir, ou l'anticiper, ou l'imaginer, souhaiter ou craindre son apparition, suivant que nous soyons optimistes ou pessimistes, et que nous penchions pour l'espoir d'un avancée de la conscience humaine collective ou alors pour le scénario catastrophique des ordinateurs qui prennent le contrôle…

Considérons donc les monstres qui surgissent dans les cinq œuvres sélectionnées dans ce numéro comme des cauchemars issus du Web, du Web en tant que Ça du monde contemporain.12



Notes
1 : Il est par ailleurs intéressant d'observer, comme ne manque pas de le faire Carroll, que ces deux procédés de création monstrueuse correspondent à des processus psychiques de condensation - ou au contraire de dédoublement - dégagés par la psychanalyse (cf. pp : 45-46).

À côté de ceux deux procédés d'engendrement des monstres, Noël Carroll distingue encore trois autres procédés qui s'opérant sur des créatures déjà connues contribuent également à susciter un sentiment d'horreur : 1) la magnification (i.e. le grossissement) et 2) l'accumulation (« massification ») de créatures déjà jugées culturellement comme monstrueuses, impures et répugnantes, et 3) la « métonymie horrifique » (« horrrific metonymy »), qui consiste à déplacer les caractéristiques propres à inspirer l'horreur de la créature à son entourage (cf. pour l'expositions de tous ces procédés, Carroll (1990), pp : 42-52).  

2 : « When there is no more room in Hell, the Dead will walk the Earth. » (George A. Romero, Dawn of the Dead, 1978).  

3 : « En d'autres termes, dans l'horreur, il apparaît que le monstre est un personnage extraordinaire dans notre monde ordinaire, alors que dans les contes de fées et autres histoires du genre le monstre est une créature ordinaire dans un monde extraordinaire. » Carroll (1990), p : 16.

En ce sens, le débat au sujet de « l'horreur réaliste » (voir Schneider (1999)), à savoir si les œuvres qui mettent en scène un « monstre » réaliste (et non pas fantastique) comme un tueur en série par exemple (qu'il soit inspiré d'un tueur réel, comme Jack l'Éventreur, Henry Lucas ou Eileen Wuernos, ou alors entièrement fictif, comme Michael Myers, John Doe ou Hannibal Lecter), peuvent ou non être rangées dans le genre de l'horreur, et si un tel personnage peut lui-même être considéré comme un monstre à part entière, n'a pas vraiment lieu d'être. Il me semble (comme le pense entre autres Steven Schneider (1999), et au contraire de ce que semble affirmer à un certain moment Carroll (1990), quand il définit les monstres comme « tou[t][s] être[s] dont l'existence est considérée comme impossible de nos jours selon la science contemporaine » (p. 27)), que de tels personnages peuvent être, et sont effectivement, perçus comme des monstres, et ce justement parce que, bien qu'humains, ils sont en même temps inhumains (cette perception est, me semble-t-il, ce qui distingue un tueur en série d'un meurtrier « normal »), et donc produit d'une fusion qui les rend hors normes, comme le remarque d'ailleurs Carroll lui-même à propos de Norman Bates dans le film Psycho d'Alfred Hitchcock (cf. Carroll (1990), p :38-39). Témoin (dans la réalité comme dans la fiction) tous les efforts pour tenter de « comprendre » et d'entrer dans l'esprit de ces criminels, jusqu'à étudier la conformation de leur cerveau dans l'espoir d'y trouver une malformation qui aiderait à expliquer leur monstruosité, c'est-à-dire en somme leur « inhumanité ». De tels efforts se sont d'ailleurs, dans l'état actuel de la science du moins, révélés assez vains. Ces monstres échappent donc toujours, comme les autres monstres, à la science contemporaine. Citons comme exemple le cas (réel) de Ted Bundy :

« « Les gens », a dit Bob Dekle, le procureur auxiliaire de l'état de la Floride qui a poursuivi Bundy pour le meurtre de Kim Leach, « pensent qu'un criminel est un bossu, un petit monstre aux yeux qui louchent et qui rampe dans l'obscurité en laissant derrière lui une traînée de boue. Ce sont des êtres humains. »

Mais à l'intérieur de Ted Bundy ce bossu rampant a existé, caché derrière ce qu'un psychiatre éminent a nommé un masque de normalité pour sociopathe. Le masque est une fabrication et rien de plus, mais il est généralement impénétrable. Chez Ted, la créature aux yeux qui louchent se tapissait à un plan différent d'existence, et a pu seulement être vue au moyen d'une tautologie; il a fallu présumer de son existence avant de pouvoir la trouver...

[Ce masque] lui a permis de cacher la réalité aux autres, et de se la nier à soi-même. Il a également conféré à Bundy une puissance surnaturelle pour la manipulation, une capacité dont l'effet était semblable à de la magie. C'était cette puissance qui a fait de lui un tueur si efficace, et si impossible à dépister. »
Stephen G. Michaud et Hugh Aynesworth (1984), p : 4.  

4 : « Et à cet égard on pourrait suggérer que les Lumières ont fourni au roman d'horreur la norme de la nature nécessaire pour produire le bon type de monstre. » Carroll (1990), p : 57.  

5 : Pour ne citer que quelques exemples, rappelons les rapports étroits entre le cycle des films d'horreur américains des années 50 (comme par exemple Invasions of the Body Snatchers (1956) ou War of the Worlds (1953)) et la guerre froide, la paranoïa de l'invasion communiste, la chasse aux sorcières et l'angoisse de la catastrophe nucléaire. Plus près de nous - au moment où le numérique envahit nos vies sous toutes ses formes - nous arrive la série des films Matrix, mettant en scène des ordinateurs monstrueux qui ont conquis le monde et asservi les humains, et où le réel est désormais virtuel.  

6 : Un exemple assez remarquable : dans Wes Craven's New Nightmare (1994), l'auteur et réalisateur Wes Craven, père de Freddy Krueger, se met lui-même en scène en train d'écrire le film que nous voyons défiler à mesure à l'écran - et les acteurs jouent à la fois leur propre rôle et ceux des personnages, y compris Robert Englund qui incarne Freddy depuis les débuts. Les films Scream 1, 2 et 3 (1996-1997-2000, réalisés également par Wes Craven) sont eux aussi remplis de citations empruntées à l'histoire du cinéma (d'horreur), d'auto-références et de mises en abîme (ainsi, dans le troisième de la série, on tourne un film sur les événements qui se sont déroulés dans le premier, etc).  

7 : « En effet, la « personne-comme-viande » pourrait servir d'étiquette à cette tendance. » (Carroll (1990), p : 211.  

8 : Pour une part, il s'agit de créations Flash, de « cartoons », même dans Shadows of Computers où les personnages plus « réalistes » demeurent quand même des dessins fort stylisés, à l'émotion restreinte.  

9 : En fait, comme je l'ai remarqué dans un texte précédent (cf. Magazine du CIAC no 17), ce type d'œuvres rappellent les premiers essais d'images animées comme les machines ou boîtes à images du pré-cinéma (comme par exemple les « lanternes magiques (Kircher, au XVIIe siècle), phénakistiscope (J.-E. Plateau, 1832), zootrope (Horner, 1834), praxinoscope-théâtre (Emile Reynaud) et au fusil chronophotographique de Marey, destiné plus particulièrement à l'étude physiologique, que précéda Muybridge en Grande-Bretagne, enfin au kinétoscope d'Edison (appareil de projection individuelle dans lequel passent des bandes d'une minute recréant le mouvement des êtres, des objets, de la vie contre un nickel, 1893 - équivalent de nos machines à sous », cf. www.adpf.asso.fr/adpf-publi/folio/cinema/01.html) - conçues pour un spectateur à la fois, et encore proches du jouet.  

10 : C'est ainsi qu'une description et une catégorisation des monstres en termes d'impureté (inspirées de l'anthropologie, comme le propose Carroll (1990)) et une explication psychanalytique de leur origine comme de leur effet ne sont pas nécessairement mutuellement exclusives.  

11 : Témoin des sites comme www.ogrish.com ou encore rotten.com… En ce sens, le Web exemplifie par excellence le relativisme postmoderne.  

12 : Petite remarque en passant : Ça(It) est aussi le titre d'un ouvrage de Stephen King, dans lequel un monstre protéiforme (Pennywise le clown, « incarnation même du mal ») peut prendre tour à tour la forme de n'importe lequel monstre. (Stephen King (1986), Ça, Paris : Albin Michel, 1988. Trad. de William Desmond).  



Bibliographie :
 Brophy, Philip. - 1983. - « Horrality:The Textuality of Contemporary Horror Films », in Art & Text No.11, Melbourne, 1983, reproduit in Screen Vol.27, No.1, 1986, UK.
En ligne : media-arts.rmit.edu.au/Phil_Brophy/Horrality.html

 Carroll, Noël. - 1990. - The Philosophy of Horror, or Paradoxes of the Heart, New York & Londres : Routledge, 1990.

 Douglas, Mary. - 1966. - De la souillure : essai sur les notions de pollution et de tabou, Trad. de l'anglais par Anne Guérin ; préf. de Luc de Heusch. - Paris : F. Maspéro, 1971. - Trad. de : Purity and danger : an analysis of the concepts of pollution and taboo.

 Freud, Sigmund. - 1919. - « L'inquiétante étrangeté », in Essais de psychanalyse appliquée, Trad. de l'allemand par Marie Bonaparte et Mme E. Marty. - Paris : Gallimard, coll. Idées, 1933, pp : 163-210. - Trad. de : « Das Unheimliche ».

 Michaud, Stephen G. et Hugh Aynesworth. The Only Living Witness. Ted Bundy Story, New York, Ny: Signet Books, 1984.

 Schneider, Steven. - 1999. - « Monsters as (Uncanny) Metaphors: Freud, Lakoff, and the Representation of Monstrosity in Cinematic Horror  », in Other Voices, v.1, n.3, janvier 1999.
En ligne : www.othervoices.org/1.3/sschneider/monsters.html#Call_62

 Tite-Live. Histoire romaine, Livres XXXI à XXXV, Paris : Flammarion, 1997. 503 p. Introduction, notes et traduction inédite par Annette Flobert.




Anne-Marie Boisvert


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