LA SÉLECTION DE LA TROISIÈME ÉDITION

Nous avons sélectionné dix œuvres conçues pour le Web qui ont retenu notre attention.


Antoni Abad
Sìsif
L’œuvre montre un homme nu tirant sur une corde inlassablement. De l’autre côté du monde, en Nouvelle-Zélande, un autre homme identique tire sur la corde en sens contraire. Comme dans le mythe de Sisyphe, auquel le titre réfère, l’individu recommence la même action sans fin. Le projet fait allusion à cette quête infinie d’information sur l’Internet, nous menant d’un site à un autre, jusqu'à l’obsession. La corde rappelle l’activité même de «tirer» l’information. Il est aussi question de la communication entre individus d’une part et de l’autre de la planète. (nécessite Netscape 3.0)
SP

Maurice Benayoun
Et moi dans tout ça
1996-1997
L’artiste qui a conçu ce projet propose une occasion unique de changer (provisoirement) le monde par sa présence et d’agir sur lui. Le site présente une carte du monde qui peut être bougée à volonté et le visiteur a la possibilité de choisir un endroit sur la carte en y déposant un grain de sable. Or, la dimension démesurée du grain de sable produit une déformation considérable sur le territoire où il atterrit et a l’effet comparable d’une bombe. En cela, l’œuvre souligne le désir excessif d’intervention et d’accessibilité qui caractérise l’utilisation de l’Internet. Sur le même site, une autre œuvre intéressante consiste à changer l’histoire de l’origine du monde... (nécessite Netscape 3.0)
SP

Vuk Cosic
History of Art for Airports
sept. 1997
Voici un site amusant qui présente des œuvres d’art sous la forme d’idéogrammes comme ceux qui peuvent être vus dans les aéoroports. Une dizaine d’œuvres sont ainsi schématisées, de Lascaux à l’art moderne en passant par le cinéma jusqu’aux œuvres conçues pour le Web. Les raccourcis historiques empruntés par l’artiste ainsi que la pauvreté visuelle des résultats constituent une critique de la présence de l’art sur l’Internet, alors qu’une grande sophistication est possible sur ce médium. Les clins d’œil à d’autres artistes qui produisent des œuvres pour le Web font sourire. (nécessite Netscape 3.0)
SP

Critical Art Ensemble
Diseases of Consciousness
Produit pour le musée Walter Phillips Gallery par un collectif de cinq artistes travaillant dans diverses disciplines, Diseases of Consciousness traite des maladies de l’âme, typiques de cette fin de siècle, avec un humour noir. L’utilisation d’images médiatiques suggère que les maladies de la conscience humaine proviennent des personnages artificiels créés par les médias qui influencent fortement et altèrent l’identité des spectateurs, tandis qu’ils se contemplent à travers les prismes de ces nouvelles images culturelles. (Banff Centre for the Arts)
RD

Groupe Z, Belgium
I Confess
déc. 1996 - fév. 1997
Bien qu’il serait hâtif de parler d’un genre «confessionnel» dans les oeuvres produites pour le Web, il semble que le médium se prête à une telle forme, de par son accessibilité. Dans notre dernière édition nous avions présenté le projet The Automatic Confession Machine de Greg Garvey, qui se rapproche davantage de ce qui est attendu d’une confession classique, bien que les histoires personnelles des visiteurs ne peuvent être divulguées et qu’elles sont gardées pour eux-mêmes. Pour sa part, I Confess, choisi pour cette édition, se démarque du modèle original de la confession. Le projet est adapté aux besoins des artistes et réfère aux péchés spécifiques qui les concernent. Il est possible de demeurer anonyme, si vous le souhaitez, mais la sensation d’inconfort ressentie durant la confession sur le Web s’exerce tout de même. (adaweb)(nécessite Netscape 3, Shockwave for Director 5, MIDI plugin, LiveConnect enabled WAV plugin)
RD

Alfredo Jaar
The Eyes of Gutete Emerita
1996
Créé par l’artiste chilien Alfredo Jaar vivant à New York depuis 1982, «The Eyes of Gutete Emerita» fait partie du The Rwanda Project 1994-1997. Pour réaliser ce projet, l’artiste a voyagé au Rwanda en 1994, où il a été témoin des massacres de plus d’un million de personnes par les militaires Hutu. L’histoire tragique de Gutete Emerita, que l’auteur décrit en quelques mots, progresse dramatiquement alors que l’artiste se révèle lui-même comme observateur et parle à la première personne. La tension augmente et le texte continue à progresser jusqu’au moment où les yeux de Gutete apparaissent pour un bref instant tandis que l’artiste se les remémore. L’image disparaît rapidement, ce qui a pour effet d’associer cette vision fugitive au déclic de l’appareil photo et à l’empreinte que ces yeux tristes a laissée dans la mémoire de l’artiste.(lightfactory)
RD

Jodi
Jodi.org
Ce site impressionnant par sa taille contient des références à pas moins de 350 sites et les artistes continuent d’y ajouter des éléments nouveaux. Présenté lors de la Documenta X, ce projet est réalisé par Jodi, deux jeunes artistes néerlandais . Son renouvellement continu fait allusion à la croissance perpétuelle de l’Internet et la perte de contrôle sur elle. L’imagerie provient de la technologie informatique : langages informatiques, signes et codes utilisés dans la programmation. De plus, les artistes cherchent à révéler ce qui est caché derrière l’écran. Ils s’intéressent au «bruit» qui appartient à la technologie informatique et incorporent dans leur travail des signes et codes qui correspondent à des erreurs et des virus.
RD

James Roven
ISO
1997
ISO se situe parmi les séries réalisées par l’artiste, qu’il définit comme des histoires courtes à propos de l’isolation technologique. L’œuvre rappelle l’expérience de regarder les panneaux publicitaires tout en conduisant une automobile sur l’autoroute. Nous prenons la place du spectateur tandis que les images filent devant nos yeux et s’évanouissent par elles-mêmes. L’artiste construit un espace excluant la présence humaine, habité par des stimuli vides et des messages électroniques confus envahissant la perception. Les mots apparaissant sur l’écran suggèrent une conversation transmise électroniquement dans laquelle l’identité humaine devient une proie et le contact humain ne se réalise jamais. Cet effet est accru par le fait que le spectateur occupe une position passive.
RD

Technosphere
Réalisé par un groupe constitué d’artistes, de designers, de techniciens, ce site permet la réalisation de créatures dans un monde virtuel. Après avoir sélectionné différentes parties du corps de cette créature et l’avoir nommée, le visiteur assiste à la naissance d'un nouvel être. Par la suite, il peut avoir accès à son arbre généalogique, connaître son environnement, ses activités, etc. Mais attention : cette étrange créature peut devenir un parasite embarrassant pour quelques jours dans votre courrier électronique! Sa vie ne consiste qu’en des activités primaires auxquelles elle s’adonne sans retenue. Cette œuvre met en évidence les limites et les dangers de la création sur l’Internet.
SP

Horacio Zabala
L’art ou le monde pour la deuxième fois
1997
Le site nous accueille avec dix pastilles disposées en triangle comme des boules de billard et paraît ainsi inviter à une sorte de jeu. En fait, ce projet regroupe, à sa base, dix questions philosophiques sur les conceptions de l’art. Il comprend un vaste répertoire de réponses, plus de 1000 citations de 561 auteurs connus, la plupart des artistes, philosophes, écrivains, cinéastes, penseurs, etc. Il est possible de consulter les différentes réponses apportées par ces auteurs en choisissant une des questions, un mot-clé ou le nom d’un auteur particulier. Le visiteur a également la possibilité de proposer ses propres réponses. Le projet fonctionne à la manière d’une bibliothèque et fait réfléchir sur l’art en exploitant le côté interactif de l’Internet d’une façon divertissante.
SP



| Le Magazine du CIAC | Haut de la page |