œuvre 5


par Anne-Marie Boisvert

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"Persuasive Games designs, builds, and distributes videogames for persuasion, instruction, and activism.

« Our games influence players to take action through gameplay. Games communicate differently than other media; they not only deliver messages, but also simulate experiences. While often thought to be just a leisure activity, games can also become rhetorical tools ».



Cette entrée en matière est on ne peut plus claire : le but des « jeux de persuasion » de Persuasive Games est de montrer comment les jeux peuvent « devenir des outils de rhétorique ». La rhétorique, au sens le plus classique du terme, a été comme on le sait développée en tant qu'outil de persuasion - et en tant qu'outil, avant tout, politique. La séduction, et même le leurre, n'y sont jamais absents, avec tous les effets de brillance, et de manche, que l'on peut imaginer, le but plus ou moins avoué étant la captation, pure et simple, de l'auditoire. Et pourtant, les jeux de Persuasive Games tiennent davantage des jeux de société que des jeux vidéos typiques d'immersion et de « fantasy role playing ». Leur esthétique minimaliste renforce la distance entre le joueur et les personnages-pions que le premier est invité à manipuler plutôt qu'à incarner. C'est donc dans cet entre-deux de la persuasion et de l'ironie, de la manipulation et de la distanciation, que se jouent les « jeux de persuasion » en question.


QUELQUES EXEMPLES

L'un des plus récents de ces jeux se nomme Killer Flu : le but du jeu, pour le protagoniste, est d'infecter le plus de gens possible le plus rapidement possible... Certaines victimes sont plus désirables que d'autres, parce que potentiellement à même de disséminer le virus de manière davantage massive. Quiconque garde en mémoire la manière récente dont les médias, les gouvernements, et bien sûr les corporations du monde entier ont provoqué dans les masses un état proche de l'hystérie avec leur battage incessant autour du fameux virus de la grippe H1N1, appréciera la douce ironie de ce petit jeu. Et certes, il nous rappelle à quel point les « informations » transmises par les médias et autres « organes », ne sont trop souvent rien de plus que des « mèmes », dont la seule et unique raison d'être est de se propager, ni plus ni moins que les virus.

« The player of the game will find it more difficult than they suspect to create the pandemic the news would have us believe is immanent (among its features, Killer Flu generates a new world every time you play it, underscoring the geographic contingencies in the development and spread of pandemic flu) ».

Un autre jeu de persuasion, intitulé CNN Campaign Rush, invitait le joueur, durant la campagne présidentielle de 2008, à s'immiscer à coups de clics dans une salle de presse, et permettait d'illustrer combien campagne électorale et campagne de presse sont indissociables. (Notons que ce jeu, conçu pour CNN, n'est plus en ligne). Presidential Pong, quant à lui, transformait les débats des candidats à la présidence en un jeu de pong. D'autres jeux sont davantage stratégiques, et s'appliquent à questionner les pratiques des corporations, comme Disaffected!, dans lequel le joueur est invité à se glisser dans la peau de travailleurs harassés et exploités dans une grande surface à la Walmart ; ou à examiner certaines politiques sociales, comme le thème brûlant de l'immigration et de l'attribution des fameuses cartes vertes, dans Points of Entry. Il suffira pour finir de mentionner simplement quelques-uns des autres titres de ces « jeux de persuasion ». Ceux-ci, en effet, parlent par eux-mêmes : Food Import Folly, Xtreme Xmas Shopping, Oil God, Airport Insecurity, Fatworld, Bacteria Salad...

Ce faisant, ces jeux mettent en scène le lien intime et immémorial entre la rhétorique et la politique : mais, comme chez Brecht, ce lien n'est souligné à gros traits, de manière hautement ironique et ludique, que pour mieux être mis en lumière, décortiqué, examiné et, ultimement, désamorcé.




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