Christian Bisceglia

Via Crucis
Du 2 au 26 novembre 1995

 

Dans le cadre des Cent jours d’art contemporain de Montréal, le CIAC présente en collaboration avec l’Institut Culturel Italien et la Chapelle historique du Bon-Pasteur l’installation vidéo de l’artiste italien, originaire de Messine en Sicile, Christian Bisceglia. Auteur, metteur en scène et acteur deVia Crucis, Christian Bisceglia, âgé de seulement 27 ans, a réalisé de nombreux vidéos artistiques et des documentaires. Son apprentissage s’est effectué aux côtés de Nanni Moretti, Francesco Calogero et Fabio Segatori dont il a été l’assistant. Ses œuvres ont été présentées notamment dans le cadre du Festival « Cinema Giovane » de Turin et de celui de Berlin. Il travaille actuellement à « vidéographier » dans le même esprit que Via Crucis l’impressionnante martyrologie chrétienne.

 

L’œuvre de Christian Bisceglia se situe, à l’instar de celle de Pasolini, à la frontière du mythe et de la réalité. Via Crucis est constituée d’une série d’images électroniques. L’intention sur laquelle il fonde son travail est celle d’actualiser, en l’humanisant, la Passion de Jésus depuis l’instant fatidique de sa condamnation jusqu’à sa déposition. Les différents moments de cet itinéraire tragique sont reconstruits à travers la réitération des icônes qui se succèdent au ralenti sur quatorze écrans de télévision. Chacune des stations porte l’attention de l’observateur sur un détail fortement dramatique tels que le regard du Christ, les épines de la couronne, les lanières du fouet, l’écorce de la croix, le mouvement de la véronique, etc. L’installation se présente comme une inquiétante galerie de tableaux animés qui nous renvoient continuellement d’une part, aux scènes évoquées par la grande peinture italienne de la Renaissance et de la période baroque – fréquentes sont les références à Antonello da Messina, à Michelange et au Caravage et, d’autre part, à la sensibilité d’artistes et d’écrivains aussi contemporains que Yukio Mishima, Pier Paolo Pasolini, Derek Jarman et Martin Scorcese.

 

L’effet de l’image, magistralement photographiée par Francesco Mento et montée selon la technique du « frame to frame » (montage au ralenti des photogrammes en succession), permet d’effectuer une dilatation du temps et de l’espace que souligne, en l’amplifiant, la musique de Peter Gabriel. L’œil de Christian Bisceglia choisit d’adopter un point de vue résolument nouveau par rapport à celui de la tradition catholique: celui d’un esprit séculier qui explore les mystères religieux à travers les aspects les plus humains de l’histoire du Christ. La passion de Jésus apparaît ainsi comme figée dans son atemporalité mais, grâce au recours à un médium aussi répandu que la télévision, la mort du Dieu se transmute en une trop humaine souffrance. Une évocation de la Douleur accrue ou, selon les points de vue, tempérée par l’application d’un esthétisme aux limites de la complaisance, voire de la mystérieuse empathie entre la victime et ses bourreaux.

 

Présentée pour la première fois en avril dernier dans l’église Del Carmine à Taormina en Sicile, cette œuvre produite par l’Ente Teatro de Messine, témoigne de la grande saison créative qui caractérise tout le sud de l’Italie et en particulier la Sicile. Avant-garde et tradition, Orient et Occident, rigueur et excès, piété et humanisme contemporains se mêlent dans cette réalisation qui a retenu l’attention de la critique la plus exigeante.

 

Ont collaboré à la réalisation de Via Crucis, Francesco Mento (photographie), Alessandra Prudente (assistant du metteur en scène), Renzo Cucinotta, Bibi Fawzia Jahali, Annamaria Meli et Pasquale Zavaglia.