LA SÉLECTION DE LA SIXIÈME ÉDITION

Nous avons sélectionné dix œuvres conçues pour le Web qui ont retenu notre attention.


Doyon/Demers
Aire de service pour oeuvres et oeuvres d'art
1996-1997
Jean-Pierre Demers et Hélène Doyon travaillent ensemble depuis 1987 et leurs projets s’intéressent au système de l’art, au passage de l’oeuvre à celui d’oeuvre d’art. Actifs dans le milieu de la performance, mais se voulant libres de toute étiquette, ils se qualifient eux-mêmes d’indisciplinaires. Dans cet esprit, le duo a créé un site Web qui détourne certains actes propres au milieu de l’art. Par exemple, il a élaboré un formulaire de dépôt d’oeuvres d’art comparable à ceux que les institutions pourraient produire, mais celui-ci devient complètement absurde sur le Web, un espace qui ne peut accueillir d’objets physiques. Le duo propose également de reconstituer des objets utilisés dans leurs performances. En effet, des modèles à découper et des instructions sont fournis à cette fin. Les notions de propriété et d’originalité de l’oeuvre d’art de même que le caractère immatériel du support Internet sont ainsi remis en cause. Par l’emploi judicieux qu’il fait du Web tout en demeurant fidèle à sa démarche, Doyon/Demers questionne encore une fois les contextes de réception de l’oeuvre d’art et le statut d’art accordé à l’oeuvre avec beaucoup de perspicacité. (nécessite Netscape 3.0 et Shockwave) S.P.

Ferlanc.
Over there, Somewhere
1998
Over there, Somewhere est le site officiel du Musée international du voyeurisme, créé par Ferlanc. et l'équipe scientifique de Jacky Jack J. Smith Smithson. Cette oeuvre unique offre un parcours où littérature, photo-montage et sonore se mélangent. L'oeuvre est séparée en deux zones, ce qui permet au visiteur de suivre des parcours différents. Pour chaque zone, plusieurs liens sont proposés. En passant par l'univers de The Runaway, du Playground Motel, du Grand livre des sports et de On the Road, le visiteur est témoin d'une histoire complètement loufoque. Il est également possible d'obtenir des codes d'accès afin de visionner des pages cachées.(Elfe) (Internet Explorer 3.0/ Netscape Communicator 4.05) M.T.


Greg Garvey
Gender Bender
1996-97
Cette oeuvre interactive propose un questionnaire pouvant poser un diagnostic sur le caractère féminin ou masculin de la personnalité. Pour ce faire, le participant répond à une suite de 20 questions comparables à celles que l’on pourrait retrouver dans les tests du même genre offerts par les magazines populaires. Chaque réponse donnée est catégorisée immédiatement et visualisée/sonorisée de façon amusante. Très rapidement, l’aspect stéréotypé et prévisible des réponses se fait sentir et rend ce test complètement absurde et ridicule. En cela, l’oeuvre s’intéresse à certains comportements auxquels l’expérience interactive propre à l’Internet peut donner lieu : la confession, la recherche de soi, la possibilité de se forger une autre identité. Elle fait également référence aux contenus souvent stéréotypés qui se trouvent sur le réseau. (nécessite Shockwave) S.P.

Rory Hamilton
Arrivals/Departures
1997
Avec ce projet, l'artiste établit des liens entre l'Internet et un aéroport. En effet, l'aéroport devient une ville où les voyageurs sont enregistrés, vérifiés et envoyés à leurs destinations finales. L'information abonde et les directions des avions sont controlées. En parallèle, l'Internet permet de voyager autour du globe. Ce système envoie de l'information à un autre ordinateur qui va être observée, enregistrée et imprimée. Comme à l'aéroport, le voyageur sur Internet est souvent en attente avant d'arriver à la destination désirée. L'oeuvre Arrivals/Departures montre au visiteur les ressemblances entre ces deux mondes en mélangeant leurs symboles et leurs procédés. Le visiteur devient donc un passager de cet aéroport virtuel qui s'apparente à la navigation sur Internet. (Montage Gallery, Derby et l'université de Derby) M.T.

Michel Lefebvre et Eva Quintas
Liquidation
1998
Le projet de Michel Lefebvre et Eva Quintas a été conçu pour des supports différents, prenant chaque fois une forme adaptée au médium qu’il emprunte, soit la radio, le Web, le CD-Rom et le livre. Ce photoroman plurimédia a été présenté à la chaîne culturelle FM de Radio-Canada en janvier 1998. Dans leur version Internet, les trois épisodes de Liquidation font une utilisation habile des ressources du Web pour créer un suspense rappelant l’esprit des bandes dessinées et des polars. Cette oeuvre raconte une histoire fantaisiste autour du problème de la dette, un thème actuel qui obsède nos gouvernements et que les artistes tournent ici en dérision. Les expressions exagérées, les costumes d’un autre temps, les personnages caricaturaux, les photographies n&b colorées rappellent une époque révolue; que l’on pourrait comparer au cinéma muet, par exemple. En ce sens, le traitement met en évidence le caractère encore nouveau de l’Internet et ses limites. Par ailleurs, l’écriture imagée et les photographies de grande qualité ajoutent certainement au plaisir de parcourir cette oeuvre. Liquidation a été sélectionnée parmi les oeuvres électroniques de La Biennale de Montréal 1998. (nécessite RealAudio) S.P.


Zoe Leoudaki
Fear
1998
Cette oeuvre accueille le visiteur avec l’image d’un livre fermé qui s’ouvre. Il rappelle le journal intime et semble nous livrer les pensées personnelles de l’artiste. Sur les pages intérieures de ce livre, le menu du site est rédigé soigneusement à la main et nous entraîne dans un monde privé. Des morceaux de papier déchirés sur lesquels les sections du site sont inscrites servent de repères et confirment le caractère intime de l’oeuvre. La qualité visuelle du site est remarquable. En effet, tous les détails réalisés avec raffinement contribuent à créer une atmosphère intimisme, de confiance avec l’autre. Comme le titre l’indique, il est question de la peur et de ce qu’elle signifie pour chaque individu. Un formulaire invite l’internaute à faire part de ses peurs et il est libre de rester dans l’anonymat. Chaque confession est répertoriée par pays et il est possible de les consulter. L’aspect universel de la peur et de toutes ses formes surgit à la lecture de ces textes. L’oeuvre a été choisie parmi les projets Web de l’événement ISEA98revolution. (opticom) S.P.


Erwin Redl
Truth is a moving target
1997
La phrase truth is a moving target apparaît à l’écran et constitue le point de départ de cette oeuvre. En touchant les mots de cet énoncé, de nouvelles phrases courtes se forment à la verticale ou à l’horizontale. Progressivement, la grille se remplit de mots qui prennent un sens différent selon l’orientation de la lecture. Ces mots, ces groupes de mots ou ces phrases concernent l’art, le langage, la représentation, l’intimité, l’existence et tous ces thèmes finissent par se croiser et se toucher grâce à la participation du visiteur. Ainsi, chaque fois que la cible s’arrête sur un de ces mots, le tableau prend un nouveau visage. Certains énoncés demeurent vagues, incomplets et requièrent un investissement accru de la part du visiteur, invité à les combler de ses propres contenus. La quête de la vérité, à laquelle fait référence le titre de l’oeuvre, nécessite une mouvance, un déplacement de son tir, la prise en compte de contextes nouveaux et l’engagement de l’univers intérieur. (C3, nécessite Shockwave) S.P.


Igor Stromajer
"b . ALT. ica"
1998
Ce site est un projet de intim@ virtual base/ generation 002 créé par Igor Stromajer, un artiste slovène. "b . ALT . ica." est une oeuvre qui fait pénétrer le visiteur vers l'au-delà. Dès l'introduction, l'artiste avise le visiteur que l'oeuvre est dédiée à son père, étant donné que l'endroit où il vit maintenant est "b . ALT . ica"; la terre de la fin des temps. À l'aide des symboles apparaissant sur l'écran, la navigation se fait agréablement. En cliquant sur ces symboles, le visiteur peut alors découvrir cet univers aux multiples caractéristiques. Sur cette terre, qui n'est pas un espace physique en soi, les fuseaux horaires n'existent pas mais les anti-virus sont recommandés. Au fil de son parcours, l'internaute établit des liens entre ces deux mondes, qui en fait n'en sont qu'un seul.(nécessite Netscape Communicator 4.0) M.T.

Helen Thorington, Marianne Petit, John Neilson
Solitaire 1998
Solitaire est une expérience qui combine le plaisir de jouer aux cartes avec le défi de raconter une histoire. En effet, le visiteur est amené à mélanger les cartes virtuellement. Une série de trois cartes lui est proposée. En cliquant sur les cartes, un dessin annexé à un bout de phrase apparaît. Le visiteur est donc maître de changer la carte ou de la conserver afin d'assembler les textes écrits pour créer sa propre histoire. Une grande variété de textes se retrouve à sa disposition afin qu'il puisse composer autant d'histoires qu'il le veut. Lorsque les Jockers sont sélectionnés au hasard, le visiteur a le pouvoir d'écrire le texte qu'il désire sur la carte, son texte est authomatiquement enregistré et ajouté au répertoire de cartes. Une fois l'histoire terminée, une signature s'impose avant de tout envoyer à la galerie virtuelle du site. À la galerie, toutes les histoires créées sont exposées. Il suffit de naviguer au gré de nos envies afin de découvir ces histoires variées. Cette oeuvre montre bien que l'expérience de l'internaute se fait toujours en solitaire, d'où l'intérêt d'exploiter ce jeu. L'interactivité de cette oeuvre est d'autant plus intéressante qu'elle laisse place à la création. (Turbulence) (nécessite Shockwaveflash 3.0) M.T.


Stephen Turbek
Complicity
1998
Une boîte d'alerte apparaît, le visiteur croit qu'il y a une erreur. Il essaie de sortir de ce site; impossible. Le visiteur doit donc lire les messages inscrits dans la boîte d'alerte et les approuver s'il désire poursuivre. Par cette boîte d'alerte, l'artiste avertit que quelque chose d'anormal se produit. Il propose un discours humoristique sur la difficulté des gens à agir dans leur vie quotidienne en suivant leurs propres valeurs personnelles. Même s'il est en désaccord avec les messages contenus dans la boîte d'alerte, le visiteur n'a qu'une seule option offerte; approuver en cliquant sur OK. Il devient donc complice à son tour de ce qui est raconté. L'interactivité de l'oeuvre est utilisée à avouer notre passivité face aux normes sociales. L'oeuvre est brève et elle apporte une réflexion sur la passivité de nos choix quotidiens, influencés par les conventions sociales. M.T. (Borderequalszero)

Commentaires rédigés par Sylvie Parent et Magalie Tremblay



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