Cartographies
L'Assemblée générale sur l'art dans les nouveaux médias

Vers une définition de l'art dans les nouveaux médias
Rencontres canadiennes et internationales
Montréal, Canada
Complexe Ex-Centris
12-14 octobre 1999

La récente conférence organisé par l'ISEA/l'Inter-société des arts électroniques et intitulée Cartographies visait à définir les territoires de l'art dans les nouveaux médias tant dans ses incarnations physiques que philosophiques. En accueillant durant trois jours 34 conférenciers venus du monde entier, la conférence a héroïquement tenté de générer une rencontre entre les différents mondes des nouveaux médias, dans un même lieu et en temps réel. L'événement a eu lieu dans le complexe Ex-Centris récemment bâti pour héberger la fondation Daniel Langlois, ainsi que les bureaux de l'ISEA et le Festival du nouveau cinéma et des nouveaux médias.

Cartographies était divisée en trois "zones", chacune centrée sur des préoccupations, des approches et des participants différents.

JOUR I

...repères.. constat.. traces.. pièges.. pistes.. manifestes.. artistes.. présence.. constat.. trajectoires.. inventaire.. cartographie

Le premier jour, la ZONE ZÉRO Nouveaux médias - Avant et après, a présenté les communications des représentants de certaines des personnalités et des institutions les plus influentes parmi les organismes oeuvrant dans le champ de l'art dans les nouveaux médias, tant au Canada que dans le monde entier. Parmi les personnalités participantes, on peut mentionner entre autres: Alain Mongeau, ISEA/FCMM (Québec); Sara Diamond, Banff Multimedia Institute (Canada); Pierre Lévy, Université du Québec à Trois-Rivières (France/Québec); et Gerfried Stocker, Ars Electronica (Autriche). Les modèles de diffusion et et de production particuliers définis par ces présentateurs ont permis de repérer les tendances actuelles dans les pratiques en art électronique (interdisciplinarité, projets interactifs globaux) en même temps que les stratégies mises en oeuvre dans le financement et le développement de l'art (commandite privée). Gerfried Stocker a proposé que les organismes oeuvrant dans le domaine des arts électroniques privilégient avant tout l'"événement" et prennent leurs distances par rapport au rôle de "document" historiquement attribué aux nouveaux médias. De son côté, Sara Diamond a encouragé un retour au corps et à la performance interactive basée sur la technologie, minimisant du même coup l'impact des récents développements dans le champ du Web et de la réalité virtuelle au Canada. La place importante du financement privé dans les organismes européens a été immédiatement soulignée comme formant un contraste marqué avec les modèles canadiens où les expositions d'art électronique se trouvent encore dépendre lourdement des fonds gouvernementaux, et où le développement de partenariats avec le secteur privé ne fait que débuter.

Dans l'après-midi, le panel intitulé Modèles et centres internationaux comptait parmi ses participants: Alex Adriaansens, V2 (Pays-Bas); Nils Aziosmanoff, Art3000 (France); Tiina Erkintalo, AV-arkki - MuuMedia Festival (Finlande); Claudia Giannetti, Media Centre of Art and Design (Espagne); Peter Ride, DA2 (Royaume-Uni); Nina Czegledy (Canada/Hongrie) était la modératrice. Le but de ce panel était la présentation des approches spécifiques aux centres européens dans la promotion, la distribution et le développement des nouveaux médias artistiques. Ce panel européen s'est distingué du panel canadien (tenu le lendemain), en mettant l'accent sur sa solide tradition de support financier et social de la part de la communauté artistique et de la communauté en général. La description du fort rayonnement et des initiatives de collaboration bien intégrées dont jouissent les centres en question, tant au sein de leurs communautés respectives qu'au niveau national et européen, ont permis de montrer combien leur potentiel pour la recherche de financement en même temps que pour le développement de partenariats avec des organisations similaires partout en Europe, s'est renforcé.

JOUR II

... terminologie.. histoires.. dead data.. dead media.. énigmes.. régulations.. manifestes.. inventaires.. pionniers.. alternatives.. champs de mines..

Les communications du deuxième jour, ZONES TACTIQUES: L'état de l'art électronique - Expériences canadiennes et québécoises, ont été organisées par les commissaires Francine Dagenais et Sylvie Parent. La table ronde de la matinée, Nouveaux territoires à explorer pour la redéfinition du champ des nouveaux médias artistiques, était la seule à s'adresser spécifiquement aux artistes et à leur offrir une tribune leur permettant de délimiter leurs approches, leurs besoins, les modes de travail, de promotion et de développement dans le champ des nouveaux médias. Parmi les artistes participants étaient: Thecla Shiphorst (Vancouver); Valérie Lamontagne (Montréal); Catherine Richards (Ottawa); Luc Courchesne (Montréal); Sheila Urbanowski (Wishart, SK); et Sheryl Kootenhayoo (Calgary). Contrastant fortement avec certaines des descriptions plus utopiques du "territoire des nouveaux médias" offertes le jour précédent avec les centres européens, les oeuvres présentées dans ce panel étaient pour la plupart générés par ordinateur et leur approche de la technologie plus prosaïque. Toutes les communications ont mis l'accent sur le rôle du public et sur son interaction avec l'oeuvre comme facteur déterminant dans le choix de la technologie en tant que médium artistique. L'emphase a été mise sur le contenu, le contexte, et sur le contrôle de l'artiste dans la création et la distribution de son travail. Les approches respectives de ces artistes se sont par conséquent révélées être caractérisées par des préoccupations débordant du champ de la technologie dans le socio-politique, soit par rapport à la question de la beauté (Courchesne), les réseaux d'artistes autochtones (Kootenhayoo) ou la subversion féminine sur le Web (Urbanowski).

Le panel de l'après-midi, L'examen des structures présentes pour une confrontation et une redéfinition du champ des nouveaux médias, mettait en vedette: Brenda Cleniuk, Neutral Ground (Regina); Marc Fournel, Daimon (Hull); Tom Leonhardt, Inter Access (Toronto); Jocelyn Robert, Avatar (Québec); Monique Savoie (Montréal); Gisèle Trudel, TechnOboro (Montréal); la modératrice était Francine Dagenais (Montréal). Ce panel s'est penché avant tout sur les institutions canadiennes et leurs rôles dans les arts électroniques. Un bref historique des réseaux canadiens de médias a permis de mentionner des organisations comme InterAccess, un centre qui se consacre au développement et à la distribution des oeuvres électroniques depuis plus d'une décennie. Des centres dirigés par des artistes, tels que TechOboro et Neutral Ground ont exposé la manière dont ils ont su développer des outils/présentations dans le champ du Web et des médias numériques en parallèle avec leur mandat de galerie d'art. Il a été malheureux mais non surprenant de voir la discussion du panel dominée par les problèmes du manque de financement. Jocelyn Robert, dans une communication mémorable, est descendu du podium pour s'adresser en personne aux organisateurs et aux représentants des bailleurs de fonds gouvernementaux. Visiblement, les organisations canadiennes ont démontré le besoin d'une meilleure représentation au niveau gouvernemental ainsi que dans le secteur privé. Cette discussion a de fait suscité certaines intiatives, principalement le désir de former une organisation canadienne chargée de promouvoir les intérêts des médias artistiques à la grandeur du pays.

JOUR III

...circulation.. réseaux.. projets.. institutions.. conservation.. archives.. industrie.. liens.. ghettos.. convergence......

Le troisième et dernier jour, ZONES MOBILES: Le défi des nouveaux réseaux, s'est trouvé divisé en deux panels de discussion tenus simultanément. Le premier, La conservation et l'archivage des oeuvres numériques, a accueilli les conférenciers suivants: Steve Dietz, Walker Art Center (Minneapolis, É-U); Alain Depocas, Fondation Daniel Langlois (Montréal); Robbin Murphy, artnetweb.com (New York); Virginie Pringuet, collectif D.A.T.A. (Montréal); la modératrice était Petra Mueller. Ce panel s'est penché plus particulièrement sur la conservation et la mise en valeur des oeuvres issues du champ des nouveaux médias dans un environnement technologique en proie au changement et à une évolution continuelle. Le second panel, Recherche et innovation, mettait en vedette: Charles Halary, UQAM (Montréal); Ron Wakkary, Technical University of British Columbia (Vancouver); Francine Lecours, Héritage Canada (Ottawa/Hull); Bill Vorn, Concordia University (Montréal); Kathie Rae Huffman, ISEA/Renssaeler Polytechnic Institute's Department of Art (Troy, É-U); le modérateur était Michael Century, McGill University (Montréal). Ce dernier panel a examiné les formes alternatives de développement et de partenariats financiers dans la production des arts électroniques.

Les thèmes prédominants de Cartographies ont porté, d'une part, sur la tendance à délaisser les pratiques artistiques générées par ordinateur pour privilégier les projets interactifs réalisés en collaboration avec la communauté scientifique et artistique, et d'autre part, sur des projets produits de manière indépendante, et se passant désormais de "centres" et de "distributeurs". Une dichotomie s'est fait jour entre une approche populiste de la technologie et des productions en art électronique plus onéreuses et dépendantes des institutions. Il faut noter que le public présent à cette conférence était limité à ceux oeuvrant dans le champ de l'art électronique, particulièrement les organisations ayant intérêt à développer l'utilisation et la promotion des nouveaux médias. Malheureusement, les artistes qui développent leurs pratiques dans le champ des nouveaux médias de manière indépendante, au moyen de leurs ordinateurs personnels (produisant de l'art Web, du montage vidéo numérique, du montage sonore, etc...), n'avaient pas été invité ou représenté en quantité suffisante.

De plus, le problème récurrent du financement pour les artistes et les organisations oeuvrant dans le champ des nouveaux médias, pour ce qui a trait à la diffusion comme à la production, a été soulevé dans plusieurs des communications au cours de ces trois jours. La conclusion à tirer de telles remarques est que les limitations au niveau du financement, tant pour les organisateurs que pour les producteurs, ont un impact direct sur ce qui se fait et ne se fait pas actuellement dans le champ des nouveaux médias.

Les modèles européens de partenariat vont certainement servir d'exemples pour la définition de notre propre réseau institutionnel dans le champ des nouveaux médias à la grandeur du Canada.

Néanmoins, la question principale, à savoir "Quel est le champ des nouveaux médias?", échappe à toute définition, alors que des individus dans le monde entier continuent à s'approprier la technologie. Les arts électroniques demeurent une pratique artistique entachée de contradictions, tant au niveau de la pratique que de la philosophie.

... points de repère.. constat.. traces.. pièges.. pistes.. manifestes.. artistes.. présence.. dépêches.. trajectoires.. inventaire.. cartographie

Valérie Lamontagne

Traduction: Anne-Marie Boisvert

 

 



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