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In this article, Cyril Thomas discusses Victoria Welby’s hypermedia practice. According to the author, Victoria Welby turned her double, her pseudonym, her signature, into a complex creature. More or less virtual, her identity remains isolated in the artistic and litterary circles. In the manner of Mouchette, Welby explores the notion of the double as much as the paradoxical notion of deceit.

Victoria W a fait de son double, de son pseudonyme, (de sa) d’une signature, un être complexe.  Plus ou moins « concrètement virtuelle », son identité demeure cloisonnée dans la sphère littéraire et artistique. A l'instar de Mouchette 1, cette artiste explore par la dialectique autant la notion du double que celle, plus paradoxale, de la dissimulation. Ce double signe amorce des fictions et esquisse les trames d’une narration multiple. 

Pourtant  son histoire n’est pas cachée, elle est même revendiquée : sa naissance fictive, textuelle (2006) autant que réelle sur le réseau ainsi que ses intentions artistiques sont clairement inscrites dans la présentation de son site. Cependant, Victoria Welby développe un lexique discontinu et joue sur les dissensions entre mots, images et sons. Elle se joue du vocabulaire, comme des sonorités. Elle invite le plus souvent les spectateurs à réfléchir à ses  écrits qui relatent des rencontres amoureuses ou de simples moments de vie, teintés d’humour et d’une lucidité philosophique parfois cruelle 2 :


"Vendredi 22 Février / 22h11 : I.L. m'a décliné les adverbes de son envie dans l'ordre exact de leur énonciation originale. Sidérée, je suis. Et charmée. Très charmée.
—Je peux aussi te les réciter en ordre alphabétique, ou en ordre chronologique inverse.
—Ça vient avec les câlins associés?
—Ça vient avec tous tes désirs réalisés. Mon envie de toi est incommensurable.
Je l'attire vers moi, l'embrasse, pose ma main sur sa bite.
La nuit sera orgiaque ou elle ne sera pas.
Samedi 23 Février / 09h55 : J'ai refusé d'aller le reconduire à l'aéroport.
Samedi 23 Février / 09h57 : Je déteste les adieux aéroportuaires.
Samedi 23 Février / 09h58 : C'est froid.
Samedi 23 Février / 09h59 : C'est public.
(…)
Samedi 23 Février / 10h03 : On a alors un court moment de félicité pendant lequel le contact humain est possible."

Son œuvre « rame » de 2008 3  reste emblématique. Dans la vidéo« rame », un homme, Nick Montfort prononce à voix haute des mots inscrits sur des feuilles blanches volantes empilées, qui forment à la fois un texte autonome, en deux parties distinctes et un poème. Ce titre permet de nombreuses anagrammes telles que « arme » ou « amer » ou « mare », mais l'absence du "d"  retient l’attention.  Cette lettre permettrait de composer les termes « dream » (rêve en français) et « drame ». Cette absence va prendre tout son sens à la fin de la vidéo où le spectateur comprend le déroulement (pour mieux s’interroger sur la place, le rôle que Victoria Welby s’attribue), la circulation qui amène Victoria Welby à adapter, traduire, puis à filmer Nick Montfort. (« rame » n’est pas sans rappeler certaines productions des années soixante et soixante-dix, par exemple les poèmes typographiques et les jeux d’inversions langagières de Dick Higgins lorsqu’il composa « Glasslass» (1970) 4   ou celles liées à liées à la « poésie directe» 5  de Jean-Jacques Lebel. Le cheminement qui conduit à cette production passe par le collectif, ou chaque auteur disparait progressivement au profit des mots/sons pour arriver à une poésie visuelle à mi-chemin entre la lecture-performance.


Il y a le plus souvent, dans les réalisations de Victoria Welby, un travail sur le va-et-vient rythmique, imposé par la scansion des mots, des sons, des photos (qu’elles soient illustratives d’un texte, ou intégrées au dispositif dans ses travaux les plus récents) et des vidéos pour faire exister un objet littéraire virtuel. L’objet même, les mots inscrits sur les feuilles volantes ne sont pas dévoilés aux spectateurs, ils sont simplement énoncés, après avoir été retravaillés et adaptés par Victoria Welby. Les mots se maintiennent dans un entre-deux, ils ne seront présentés que dans l’interface numérique permettant d’accéder à l’ensemble de la démarche sur ce projet. Le texte, dans la version Internet de « rame », se fait malgré tout image, il est « typographié » et mis en page comme dans une publication, et il contient alors intrinsèquement une multitude de lieux, de sons, et de fictions en devenir.


Par ailleurs, Victoria Welby cherche et travaille sur l’envers des éléments. Elle met au point des chassés-croisés, des allers-retours entre lieu, texte, rythme. Dans « un escalier est un escalier est un escalier 6 » de 2007 dont le titre renvoie à la fameuse phrase de Gertrude Stein (« a Rose is a rose is a rose is a rose »), les marches deviennent autant de motifs sonores, de ponctuations qui s’associent au défilement de la narration. La fonction de progression disparaît, l’escalier ne relit plus deux lieux, mais dévoile/cache des entrefilets musicaux et sonores. Derrière le motif photographique, derrière le sujet de l’image ou du texte, se dévoile une autre histoire.


Œuvres multimédias et littéraires, les récits de Victoria Welby affleurent les descriptions des lieux, esquissent des êtres, des rencontres et ébauchent une cartographie d’un devenir fictionnel où le réseau n’est plus la matrice mais un simple composant de l’œuvre. Il faut se perdre, revenir et réécrire sans cesse de nouvelles narrations, s’inventer une vie, faire interférer l’autobiographie de l’autre, du double dans sa bio-graphie personnelle. Multiplier les échanges, vectoriser les liens, quitte à ce que les deux se confondent peut-être pour le spectateur, où que l’un (l’écrivaine Victoria Welby, pseudonyme de…)  disparaisse au profit de l’autre (Victoria Welby plasticienne, pseudonyme d’une autre ou d’un autre), afin que ce personnage fictif, prisonnier du réseau, puisse resurgir en permanence dans un « entre médias », et prendre corps, exister entre plasticité et textualité…  L’écriture chez cette artiste, se présente comme une architecture, où les multiples fictions, péripéties, aléas et collaborations viennent déconstruire, remodeler sans cesse l’espace pour le rendre instable et faire basculer toutes les certitudes du spectateur.

1 http://www.mouchette.org/indexf.html, consulté le 15 juillet, 2010.

2 Se reporter aux Instants Rss sur le site de panoplie.org http://panoplie.emakimono.org/index.php/instants/portrait/22
et http://victoriawelby.ca/hypertexthotel.php, consulté le 15 juillet 2010.

3http://revuebleuorange.org/bleuorange/01/montfort/rame.php, consulté le 15 juillet, 2010.

4 Pour une première approche, lire l’article Dick Higgins, « Intermedia. Synesthesia and Intersenses » (Annexes rédigées par Hannah Higgins), Leonardo, The MIT Press,vol. 34. n°1, février 2001, pp 49-54; disponible à cette adresse : http://muse.jhu.edu/journals/leonardo/v034/34.1higgins.html, consulté le 15 juillet, 2010. Se reporter également à l’article de Véronique Perriol, « Approche des œuvres textuelles de l’artiste Fluxus Dick Higgins 1938-1998 », RAL, M, avril 2008, disponible sur : http://www.lechasseurabstrait.com/revue/Approche-des-oeuvres-textuelles-de-l-artiste, consulté le 15 juillet, 2010.

5 Jean-Jacques Lebel, Poésie Directe : des happenings à Polyphonix. Entretien avec Arnaud Labelle-Rojoux, Paris : Opus International Editions, 1994. Notamment « I m Thirsty For Love, a performance poem » réalisé au Théâtre de la Bastille, le 17 juin 1983, lors de Polyphonix, pp. 141-146.

6 http://victoriawelby.ca/unescalier.php, consulté le 15 juillet, 2010.

 

 

 

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