««Biennale de Montréal 2002

 


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Virus Corp, 2001 (CANADA)


Le chassé doit découvrir comment devenir le chasseur
(Nie Ascherson, cité par David Garcia et Geert Lovink, in «ABC des médias tactiques», Connexions, p : 761)


STATEMENT:
Virus Corp permet au visiteur de lâcher un pseudo-virus, sous forme de créature animée (Virus Corp), sur un site Web de corporation de leur choix. La créature est 'in-CORP-orée 'dans les deux sens du mot; elle possède un corps physique et être incorporée au point de vue légal (et de manière omnipotente).L'œuvre est influencée par le Shishi Gami (grand Dieu de la forêt et Esprit de la vie et de la mort) de l'Anime Princesse Mononoke de Hayo Miyazaki. Dans le film, Shishi Gami demeure dans un marais au fond de la forêt. La vie fleurit sous lui à chacun de ses pas, pour ensuite disparaître immédiatement. Il est honoré comme le donateur et le preneur des sociétés vivantes.Ceux qui agissent comme des dieux en s'octroyant des droits illimités du fait de leurs actifs financiers vont rencontrer un nouvel ennemi: Virus Corp s'engage dans une confrontation symbolique avec les représentations virtuelles des sociétés sur l'Internet
(Tara Bethune-Leamen)

La créature dont il est question dans Virus Corp est une figure simplifiée, exagérée, cartoon-like, aux couleurs vives, représentant une sorte de cerf ou de renne fabuleux, sans yeux ni bouche et aux larges pattes. Une force animale, primitive et aveugle qui, une fois lancé comme un corps étranger dans un site quelconque choisi par le visiteur, le piétine et le foule allégrement, de gauche à droite et de droite à gauche, les marques de son passage s'additionnant pour se superposer peu à peu aux éléments originaux qui composent le site. Il en résulte sur l'écran une image autre, où les traces accumulées auront laissé des formes inattendues détournant le site de son dessein trop utilitaire pour en faire une «œuvre d'art» brouillée, aléatoire et non-permanente (bien qu'on puisse en imprimer le résultat momentané).

Tara Bethune-Leamen nous offre ainsi avec cette œuvre l'opportunité, non de détruire ou de mettre en péril les sites investis, comme le ferait un «véritable» virus, mais plus paisiblement de simplement marquer de nos traverses, grâce au passage et au repassage du shishigami qui se substitue ici à nous et se fait notre représentant, le territoire des sites de notre choix. Plus la «victime» est puissante, bien sûr, plus cette transgression devient jouissive. L'œuvre en question s'apparente de ce point de vue beaucoup à la culture du graffiti, où le fait de réussir à marquer d'un tag la publicité d'une grande marque, par exemple, constitue un exploit, en même temps qu'une critique - néanmoins toujours ludique - du monde de la consommation, celui-ci se confondant pratiquement, hélas, de plus en plus avec le seul monde (re)connu, sans portes de sortie.

Le combat se joue donc ici au niveau des «représentations virtuelles», comme le souligne l'introduction reproduite ci-dessus. Car le shishigami n'est qu'un «pseudo-virus» - ce qui le rend deux fois virtuel, à la fois comme «créature» numérique et aussi en tant que symbole. Il peut ainsi tour à tour ou simultanément représenter la revanche de la nature et du monde animal sur la culture et le monde humain, l'irruption du jeu qui dérange et détourne le capitalisme de sa logique marchande, ou le retour du refoulé. Il s'agit d'abord d'une guerre d'images.

Je parle d'un activisme qui ait du style. […] Je parle d'une conscience critique, plus élevée, de ce qu'est le style plutôt que d'une utilisation correcte de tel ou tel logiciel, icône, jeu de couleurs, motif ou police actuels. (Geert Lovink, in David Garcia et Geert Lovink, «GHI des médias tactiques», Connexions, p : 792)

En résumé, Tara Bethune-Leamen nous démontre bien avec son Virus Corp que c'est dans le style que se rencontre et se fusionne l'esthétique et l'éthique, la forme et le fond.

Mais le style de cette œuvre, avec ses couleurs vives empruntées aux Anime japonais et aussi avec son utilisation de Flash, n'a par ailleurs pas grand'chose à voir avec le style des puristes du net.art, et c'est en quoi Virus Corp peut être vue comme typique d'une avancée dans le champ de l'art Web, puisant désormais son inspiration aux sources du pop art qu'elle regénère, plutôt que dans un minimalisme souvent trop rigide et trop étroit.


 

Anne-Marie Boisvert

 

NOTES :
1 et 2 - Bureaud, Annick et Nathalie Magnan, eds. Connexions. Arts, Réseaux, Médias. École nationale supérieure des beaux-arts, Paris, 2002.

 

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