Story Problem
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Story Problem
Story Problem
œuvre 5


STORY PROBLEM,
de Terri Ford & Erik Loyer, 2002



Story Problem Text A Sketch


Story Problem a attiré mon intérêt pour son élégance, sa simplicité et sa bande sonore relaxante, ainsi que pour son beau graphisme. J'ai également beaucoup apprécié le court texte surréaliste, mêlant les détails précis et minutieux de la vie la plus matérielle, quotidienne, aux dérapages soudains dans le monde du fantastique ou de l'onirique1, et surtout le sentiment général dégagé par l'œuvre : un sentiment de grande fantaisie, sensible et allusif, sans aucune lourdeur, avec un texte et une bande sonore silencieuse et réitérée de piano qui se complémentent parfaitement l'un l'autre.

Une des caractéristiques majeures de cette œuvre est sa nature performative. Story Problem en effet demande à être téléchargé à mesure, pour être lu par les mouvements de notre souris. La flèche « schizophrène » interprète le texte comme pourrait le faire la bouche d'un acteur. Nous devenons interprètes et/ou compilateurs d'un script qui n'est pas constitué par des série de lignes, de cycles et d'appels de commande, mais par des mots simples empruntés au langage naturel. De plus, chaque lecteur/spectateur peut sauvegarder ses propres exécutions personnelles de l'œuvre et les « rejouer » à volonté, et revoir le poème se dévoiler sous ses yeux, avec ses propres mouvements de souris, retraçant ses propres gestes en capricieuses arabesques, le texte devenant de ce fait pour le lecteur son propre dessin abstrait et mobile personnel, et une nouvelle œuvre à chaque fois.

La lecture comme interprétation ? Le lecteur comme co-auteur ? Bien que ces questions ne nous semblent pas nouvelles (mais lesquelles le sont ?), c'est la première fois que je les trouve si bien esquissées dans une courte œuvre en Flash de ce genre, avec pour résultat quelque chose de bref et de délicat, sans une tonne d'effets et d'animations graphiques interactives essouflantes. Story Problem me rappelle un vieux livre pour enfants, quand le papier sentait l'encre fraîche et les dessins appelaient une expérience « tactile » ; mais également l'iconographie du « kitten », une ligne cosmétique en vente chez Henri Bendel sur la 5e Avenue à New York : un peu comme la rencontre de Richard Scarry2 et de la poudre de talc.

La programmation de Story Problem est l'œuvre de l'artiste l'artiste Erik Loyer, plusieurs fois récompensé pour son travail, avec un texte de l'auteure et poète Terry Ford. J'avoue que je n'aime pas trop, d'habitude, les œuvres de littérature numérique, mais Story Problem m'a permis de m'asseoir en silence pendant une minute, et de penser à des choses que je n'avaient jamais considérées. C'est pour moi une adresse Web à envoyer à tous mes meilleurs amis.


Notes
1 : Comme le remarque l'écrivain français Michel Tournier, « il y a une affinité certaine entre la photographie et la peinture surréaliste. C'est sans doute que la grande photographie est celle qui sait allier la plus extrême précision de détail - « le piqué » - à une présence du fantastique. L'esprit souffle sur des bottines où pas un bouton ne manque... » (in Michel Tournier, Canada. Journal de voyage, Ed. La Presse, Ottawa, 1977, pp : 106-107.

Tournier parle ici de la peinture surréaliste, mais on peut en dire autant des grands textes surréalistes, comme par exemple Nadja, d'André Breton. Et le lecteur ressent une impression similaire devant le mélange de réalisme strict et de fantastique dans le texte de Terri Ford.  


N.B. Le texte de Story Problem de Terri Ford se trouve reproduit ci-dessous.

2 : Auteur et illustrateur de livres pour enfants (1919-1994).  


Story Problem

Three heads have I in Oh-hi-oh.
In Ohio three red heads have I.
If I want and need one head, yet I am of two minds,
what color is my bike, and when can I wheel home
over the smashed petals yards from the sea?

Three rinsed bras drip in the shower.
In my shower, six blue cups drip.
Are there three separate tunes? And how many stormfronts
will pass through, subside? Who would my friend be
if she was not broken?

If it's three a.m. in my white room,
In my room (I'm white), say it's three -
and I phone my arbitrage broker in Tokyo -
what time is it when the school dance ends?
How many will walk home dejected as gypsum?
What's the proportion to Giddyfoot there, hardly
dampening lawns? When does the longing end,
if it ends? What's the name of that blue?


Terri Ford
(Courtoisie de l'auteure)



Pour en savoir plus sur Story Problem, lisez les entrevues avec les deux auteurs Terri Ford et Erik Loyer, réalisées par Carlo Zanni dans ce numéro.




Carlo Zanni (avec Anne-Marie Boisvert)


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