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Digital Oracles (Martha CARRER CRUZ GABRIEL, 2006)
by Isabelle Caron
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Abstract : The article discusses the interactive artwork Digital Oracles created by Martha Carrer Cruz Gabriel (2006). The website presents an interface offering the netsurfer an opportunity to ask questions to what she calls "the digital oracles", which correspond to the different search engines on the Web.
La Brésilienne Martha Carrer Cruz Gabriel offre Digital Oracles aux internautes curieux de connaître leur avenir en usant des technologies numériques. L’internaute peut consulter les nombreux oracles du Net, c’est-à-dire les moteurs de recherche, grâce à cette œuvre qui induit aussi la réflexion sur la valeur des réponses qu’on obtient à nos questions.
La page d’accueil est ornée d’un œil dont l’iris crée une pyramide de lumière : l’animation fait tourner cet œil sur lui-même en dirigeant un rayon lumineux tout autour, lequel s’arrête sur une main tendue se profilant comme un appel à l’aide. L’œil surmonte ainsi cette « pyramide » de lumière et symbolise la connaissance accessible par la main maniant la souris. L’internaute accède aux oracles parmi les moteurs de recherche courants, et en sélectionne un, comme on choisit un médium, puis formule la question de son choix.
Ce sont treize oracles numériques qui sont conviés afin de répondre aux questions des utilisateurs : Google, AOL Search, Cade ?, eXcite, Ask, msn, altavista, HotBot, UOLBusca, Yahoo!, maMMa, dogpile et Vivisimo. L’interface accessible en anglais ou en portugais est constituée d’un champ de saisie recevant la question et d’un menu déroulant proposant les oracles. Une fois l’interrogation inscrite, il ne reste qu’à lancer l’un d’entre eux sur la piste des réponses dont le Net recèle. L’oracle sélectionné offre alors ses réponses dans une nouvelle fenêtre de navigation, le tout dans un silence approprié à l’invocation des esprits. L’ensemble des données du Net est, en quelque sorte, ordonné par ces oracles au cours de cette opération visant à fournir à l’internaute un éclairage par le biais des résultats de recherche. Une fois cette fenêtre consultée puis fermée, un complément de réflexion est présenté par la fenêtre « Something to think about…. » s’ouvrant sur des propositions comme « Where did those results come from? », « Do you trust those results? Why? ». Cliquer sur ces éléments ramènera l’internaute à la page de recherche, lui permettant de poser une nouvelle question.
L’œuvre offre plusieurs niveaux de lecture indépendants des résultats de recherche, mais liés au thème de l’utilisation des moteurs de recherche comme oracles. Ainsi, s’il est possible d’interroger les oracles, il est aussi question de réfléchir à des concepts relatifs aux prédictions, aux prophéties voire aux réponses que nous obtenons via les moteurs de recherche. Sous forme de mots (trust, power, utility, oracles) ou de locutions (top 10 dictatorship, searching where?), ces réponses apparaissent dans la page furtivement. La main peut appréhender ces figures évanescentes afin d’en connaître le sens attribué en faisant usage de la souris. Une référence est alors révélée : pour « domination » il est proposé de voir un film sur le thème, « …check the movie EPIC 2014, by Robin Sloan and Matt Thompson. Source : IDG NOW 2005, Filme sugere a extinçao da midia pelo Google ».
L’artiste rappelle qu’un oracle est une personne ou une action tenue comme pouvant offrir de sages conseils ou des opinions prophétiques; une autorité infaillible, habituellement de nature spirituelle 1,
Elle précise que les oracles sont consultés depuis l’Antiquité et que l’actuelle Digital Era n’y échappe pas : « therefore, the search engines are daily and frequently used around the world to help humans to find out paths, and information in the endless computational nodes and routes of the web 2». Puisque nos résultats de recherche sur le Web influencent nos actions, les moteurs de recherche peuvent être vus comme les « anciens oracles 3» et être valorisés 4.
On comprend mieux l’importance de ces oracles en les plaçant dans un tel contexte. Cette œuvre participe donc à la réflexion critique sur les usages des moteurs de recherche dans la production des connaissances et sur la valeur des résultats qu’ils proposent.
L’œuvre fait aussi partie du projet Soundtoys du Britannique Stanza, développé depuis plusieurs années afin d’offrir une vitrine à des œuvres d’art Web tout en explorant la dimension audio-visuelle de ces œuvres. Pourtant, Digital Oracles n’est pourvu d’aucun son. Son accréditation en tant que Soundtoys lui donne une grande importance qui permet de poser cette question : comment connaître la portée du son, sans étudier son absence? Plutôt ludique, Digital Oracles s’apparente dans l’esprit aux jeux sur la destinée qu’on a pratiqués dans l’enfance (lire les lignes de la main, deviner à quel âge on se mariera et combien d’enfants on aura en maniant des aiguilles sur un fil, entrer en communication avec les esprits via le jeu Ouija, etc.). L’internaute peut apprécier Digital Oracles de différentes manières : selon qu’il cherche anxieusement une réponse ou qu’il a le temps de considérer son destin en cliquant sur les concepts qui « hantent » cette œuvre et en tentant de découvrir de nouveaux signes; ainsi il parcourt l’œuvre, en jouant le jeu, ou en explorant la dimension critique et éducative proposée par l’œuvre.
1 Ma traduction, http://www.digitaloracles.com.br/digitaloracles.pdf, consulté le 10 octobre 2010.
2 Ibid.
3 Ibid., p. 7.
4 En outre, leur influence est croissante : l’activité de recherche sur le Web était la seconde activité préférée aux États-Unis en 2005, rapporte Gabriel M. Jacks, The History of Google, dans Ibid., p. 2 : la première activité était l’envoi des courriels.
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