œuvre 3
Citysnapper, d'Olivier Vanderaa (Belgique), 2007
par Sylvie Parent
Le Citysnapper fait partie de ces nombreux projets d'exploration urbaine qui ont vu le jour ces dernières années. Il s'apparente à plusieurs œuvres associées à la psychogéographie - mise de l'avant par Guy Debord et les situationnistes 1 - qui suscitent beaucoup d'intérêt à l'heure actuelle en mettant à profit les nouvelles technologies de communication et les médias localisés.
Ces pratiques témoignent des lieux en incorporant des documents de toutes sortes (textuels, photographiques, vidéos, etc.). Elles sollicitent la participation du public aussi bien sur le Web que dans l'environnement qui fait l'objet de l'exploration. De telles initiatives ont pour effet de restaurer une conscience géographique dans le Web en favorisant des allers et venues avec l'espace physique et en situant géographiquement les lieux d'intervention. 2
Depuis quelques années, Olivier Vanderaa a entrepris de parcourir une ville après l'autre et d'en réaliser, chaque fois, un portrait interactif en collaboration avec ses habitants. Les promenades de Vanderaa le mènent hors des sites touristiques et au cœur des lieux vécus par les citadins. Après Bruxelles, Rotterdam, Montréal, Barcelone et Courtrai, c'est au tour de la ville de Berlin d'accueillir le promeneur, photographe et cartographe en décembre 2007.
Ces portraits urbains résultent de plusieurs actions combinées. Au fil des jours, l'artiste sonde la ville en photographiant des lieux parfois banals, des surfaces (scan) révélant la texture de ces lieux, et recueille les commentaires des citadins. Pendant ce temps, le site Web dédié au projet se développe et se définit graduellement en tenant compte des contributions textuelles des internautes. Le travail en progression est aussi présenté en galerie pour faire voir l'évolution du portrait et permettre aux visiteurs de participer à son élaboration. 3
Sur le Web, les villes s'explorent grâce à une interface chaque fois différente dans laquelle une carte géographique occupe une place importante. Constituées à chaque occasion de façon à révéler la structure de la ville, les interfaces servent de porte d'entrée et offrent des repères au projet. D'une ville à l'autre, l'aspect des cartes change grandement et contribue à affirmer leur caractère propre. Ainsi, une grille utilisée pour Montréal, un panorama photographique pour Barcelone, une carte divisée en deux pour Berlin, expriment déjà un point de vue sur l'expérience de ces villes.
D'une certaine manière, une carte est un « visage », elle délimite et dessine un territoire, elle en trace les contours, les sillons. Elle constitue un début de portrait en soi, même si la cartographie suppose une base d'objectivité. L'interface, elle aussi, est une « face », c'est-à-dire une surface à examiner et à approfondir. Lieu de passage, l'interface s'ouvre sur d'autres contenus, des photographies, des détails, des descriptions, des commentaires de toutes sortes qui contribuent à bâtir un portrait dynamique fondés sur plusieurs points de vue.
Ces portraits reposent donc sur la subjectivité, non seulement de l'artiste, mais des participants qui ont contribué à ses projets. Ce sont des portraits composés de facettes multiples, d'éléments disparates, de perspectives diversifiées. Les villes se ressemblent sans doute mais ces portraits urbains de Vanderaa visent à mettre en évidence leur caractère unique. Comme le visage de l'individu, la carte d'une ville nous livre déjà quelque chose à son sujet.
Mais c'est en cherchant à mieux connaître une ville, par le moyen de ses habitants, par ses composants humains, que son individualité se révèle à nous.
Notes
1 : Voir Guy Debord, « Introduction à une critique de la géographie urbaine », in La Revue des Ressources, octobre 2002 (publié dans Les lèvres nues n° 6, Bruxelles, 1955).
en ligne
2 : Sur cette question, voir mon article « Projets photographiques pour le Web : reconnaissance des lieux », in Ciel Variable, no. 77, hiver 1997.
3 : La version Citysnapper_game (Bruxelles, Montréal) inclut des photographies prises dans la ville d'après les requêtes des participants adressées à l'artiste par téléphone cellulaire.
haut de page
retour
|