*Image : Crowd Sign (diffusée sous licence Creative Commons) par Katmere
MAGAZINE ÉLECTRONIQUE du CIAC
no 37
SEPTEMBRE 2010
Éditorial
L’expression formulée par Arthur Rimbaud dans une lettre adressée à Paul Demeny le 15 mai 1871 est bien connue : « Je est un autre * », écrit-il, l’artiste ne maîtrise pas ce qui s’exprime à travers lui!
Antinomie pour certains penseurs, pléonasme pour d’autres, que l’on y adhère ou non, la formule de Rimbaud est inspirante pour aborder les phénomènes identitaires à l’ère des technologies numériques. Que ce soit par le truchement d’hypertextes ou d’œuvres d’art de natures (auto) biographique, féministe, anticolonialiste, souvent critique, l’idée de l’autre en soi est omniprésente au sein des productions hypermédiatiques. Ce thème comportant de multiples facettes émerge, naturellement, dès les premiers balbutiements du net art (ou net.art), si l’on se fie aux nombreux articles et chapitres de Joanne Lalonde, spécialiste des fictions identitaires sur le Web, ou encore au travail de Sheila Petty sur la représentation de l’identité africaine dans les nouveaux médias.
Le Web 2.0 a exacerbé ce phénomène, comme on peut le lire dans les publications récentes de Fanny Georges, en proposant à l’ensemble de ses utilisateurs son utilisation active, en même temps que contrôlée, par une panoplie d’interfaces formatées à travers lesquelles il est possible de se mettre en scène, mais surtout de se transformer, de devenir « autre ». C’est en partie ce que Joanne Lalonde appelle la « performativité ». Les jeux en ligne ont également généré leur lot d’avatars, de nouveaux questionnements de nature féministe ont émergé et, en ce sens, les ouvrages dirigés par Hilde G. Corneliussen ne vous laisseront pas sur votre faim. Certains avatars sont à leur tour les auteurs d'œuvres d’art tel qu’on peut le constater dans certains travaux théoriques de Cyril Thomas. Si la démocratisation de la création sur Internet a eu pour effet d’étendre la problématique identitaire bien au-delà du champ de l’art, comme en témoigne les réflexions psychanalytiques de Serge Tisseron sur l’extimité et celles de l’artiste Penelope Trunk sur le monde du travail à l’ère d'Internet, les artistes hypermédiatiques ont rétorqué par un art de plus en plus engagé, en ce sens qu’il devient critique et réflexif d’un phénomène de masse.
À cet art engagé correspond, du côté de la théorie de l’art, une approche transdisciplinaire qui se reflète dans l’étude de l’ « image interactive » pour reprendre les mots de Louise Boisclair et, plus récemment, dans une compréhension pointue des enjeux identitaires reliés aux biotechnologies, un travail de fond qu’effectue présentement Marianne Cloutier dans le cadre de son doctorat en Histoire de l’art.
J’aimerais insister sur la dimension du partage qui est à l’origine de ce qui apparaît comme une exploration identitaire sur le Web. « Je est un autre » signifie aussi un internaute participant à quelque chose qui le dépasse, dans la mesure où toutes ses contributions en ligne sont interprétées, hyperliées, commentées, manipulées, réappropriées par les « autres ». Tout un pan de la cyberculture se constitue essentiellement de ce conglomérat de liens vécus existant entre les internautes. Je vous invite ainsi à rejoindre la communauté Facebook du magazine afin de découvrir davantage les soubassements de ce thème à travers les blogues personnels de fiction.
*Le titre du présent numéro est l’idée originale de la précédente rédactrice en chef Anne-Marie Boisvert.
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