25 février 2021
L’ÉCOLE DES BEAUX-ARTS DE MONTRÉAL
POUR LA FONDATION JEAN PAUL RIOPELLE
Photo: Jean Gagnon Creative Commons «L’ÉBAM est un bâtiment exceptionnel construit en 1922 par Jean-Omer Marchand et Ernest Cormier, deux architectes québécois des plus célèbres et innovateurs», rappelle l’auteur.
Par Claude Gosselin.
Texte publié dans Le Devoir, Montréal, 18 février 2021.
Au cours des derniers jours, plusieurs événements tristes nous ont montré le peu d’enthousiasme et de respect manifesté par des individus et des dirigeants de municipalités envers le patrimoine bâti au Québec, qui ont été jusqu’à faire part publiquement et sans aucune gêne de leur insouciance.
On peut même penser que la peur d’une nouvelle loi plus favorable à la protection du patrimoine en pousse certains à se presser de demander la démolition de certains bâtiments, et d’autres à ouvrir la porte aux incendies criminels. Il est donc urgent de porter dès maintenant un œil vigilant sur les bâtiments patrimoniaux et sur ceux qui ne sont pas encore classés, mais qui devraient l’être, et qui sont laissés à l’abandon et sans surveillance.
L’occasion est bonne de rappeler que l’ancienne École des beaux-arts de Montréal (ÉBAM), située au 3450, rue Saint-Urbain, est sans occupant depuis le départ du Conseil des arts de Montréal, en 2009. Le bâtiment est sous la responsabilité de la Société des infrastructures du Québec (SIC), dont une partie de la mission est de développer, de maintenir et de gérer un parc immobilier.
L’ÉBAM est un bâtiment exceptionnel construit en 1922 par Jean-Omer Marchand et Ernest Cormier, deux architectes québécois des plus célèbres et innovateurs. L’École a été le milieu d’apprentissage des arts pour plusieurs artistes, dont certains parmi les plus grands. C’est là que Pierre Gauvreau, Louise Renaud et Françoise Sullivan, trois automatistes signataires de Refus global, ont suivi leurs premiers cours d’art.
Alors qu’aujourd’hui on cherche un lieu pour la Fondation Jean Paul Riopelle et, par extension, un lieu pour le groupe des automatistes, il nous paraît tout à fait logique de nous tourner vers l’ÉBAM pour y accueillir les œuvres de Riopelle et celles de ses amis et amies ainsi que pour y aménager un centre de documentation international sur le groupe des automatistes et l’époque à laquelle il s’est développé.
Ce serait là une occasion extraordinaire de remettre ce joyau du patrimoine architectural à une institution, qui, avec les fonds prévus pour le développement de la Fondation Riopelle, pourrait le mettre aux normes d’aujourd’hui et lui permettre d’accueillir des expositions publiques. Ayant utilisé ce bâtiment pour une édition de la Biennale de Montréal en 2011, nous connaissons son potentiel exceptionnel pour les arts visuels. Le rendre au milieu des arts visuels serait le rendre à son activité première et constituerait un juste retour des choses — une opération sans frais exorbitants pour le gouvernement du Québec, à qui appartient l’ancienne ÉBAM.
Il faut souligner que l’ÉBAM est située dans un environnement patrimonial qui a tout aussi avantage à être développé : signalons à cet égard la Maison Notman, le Studio Ernest-Cormier, l’ancienne École technique de Montréal (1909-1911), aujourd’hui le Pavillon Sherbrooke du Complexe des sciences de l’UQÀM, et plusieurs lieux où les automatistes et d’autres artistes ont vécu, étudié, exposé et travaillé de 1939 à 1960. Le site possède aussi des terrains publics qui appartiennent au gouvernement du Québec et à la Ville de Montréal.
Il y a là un projet de « pôle culturel » à réaliser, avec un potentiel de contenu international pouvant se développer sur plusieurs années. Situé dans les limites du Quartier des spectacles, ce pôle ajouterait une offre touristique de premier plan pour la Ville de Montréal.
Protégeons notre patrimoine culturel en lui assignant des fonctions liées, dans la mesure du possible, à ses fonctions originales. Ne détruisons pas une bibliothèque historique pour en faire un lieu d’exposition. Rendons à la bibliothèque Saint-Sulpice une activité liée à la conservation et à l’animation de livres et de documents patrimoniaux. Et redonnons à l’ancienne École des beaux-arts de Montréal sa résonance dans le milieu des arts visuels avec la Fondation Jean Paul Riopelle.
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