entrevue 1
Entrevue avec Terri Ford (Story Problem)
Bio : Terri Ford est une auteure et poète, diplômée du M.F.A. Program for Writers du Warren Wilson College à Swannanoa, en Caroline du Nord. Elle est récipiendaire des bourses du Ohio Arts Council et du Kentucky Arts Council, en même temps que de la Kentucky Foundation for Women. Elle a été une Ohio Arts Council Writing Fellow au Fine Arts Work Center à Provincetown, Massachusetts, pendant l'été 1999.
Terri Ford présente des performances de ses poèmes partout aux États-Unis. Elle a tenu le rôle de la « première voix » dans la production de Stage First de l'œuvre de Dylan Thomas, Under Milk Wood, à Cincinnati en 1997. Actuellement, elle collabore avec Uncle Glockenspiel, qui fait beaucoup de « bruit » pour accompagner ses poèmes. Pendant six ans, Terri a présenté une série de lectures de poésie dans la grande région de Cincinnati.
Carlo Zanni - Dans votre œuvre Web Story Problem, l'utilisateur est invité à déterminer le procédé de chargement par ses mouvements de souris. Je vois ici un parallèle avec des acteurs, quand ils interprètent un texte écrit par d'autres. Y a-t-il une similitude ? Je veux dire, voyez-vous les utilisateurs comme des compilateurs ou des interprètes « physiques » du code de l'œuvre ?
Terri Ford - Je pense qu'Erik a fait une sorte d'interprétation du texte tout en le mettant en valeur de façon fantastique - et j'aime le dispositif qu'il a créé qui permet d'exposer le texte à des expériences multiples. C'est ce qui se produit selon moi lorsque n'importe quelle personne lit un poème ou regarde un oeuvre d'art de toute façon - ce sont ses propres couches de perception et aussi l'étendue de son expérience humaine qui détermineront dans une certaine mesure ce qu'elle comprendra du texte en fin de compte. Bien que parfois l'« audience » (i.e. le lecteur/spectateur) se voit donner des instructions très claires sur la manière de lire le texte (ou l'œuvre d'art) - j'ai en tête ici une œuvre que j'ai vu un jour dans une exposition accompagnée d'un texte qui manipulait et orientait clairement l'expérience de lecture d'une manière que j'ai trouvée extrêmement insultante ! Ce qu'Erik a fait a été généreux et ouvert, ce que j'apprécie beaucoup. À mon avis, le grand art doit surprendre - ce qui est le cas pour cette œuvre.
C.Z. - Le texte de Story Problem a-t-il été écrit expressément dans le but d'être téléchargé par les utilisateurs, ou s'agit-il de quelque chose que vous avez « transcodé » pour l'occasion ? Et si oui, voyez-vous une différence structurale entre écrire pour le papier (ou l'écran) « classique » et ces utilisations alternatives ?
T.F. - Je n'ai aucune idée de ce que vous voulez dire par « transcodé » ! La merveilleuse Jennifer Grotz, rédactrice de Born Magazine, m'a demandé si je serais intéressée à proposer quelques poèmes, et parmi ceux que je lui ai envoyés elle a choisi Story Problem. Donc ce texte n'a définitivement pas été écrit dans l'idée d'une collaboration. Comme j'ai cru comprendre, Erik s'est vu offrir le texte de Story Problem (ou peut-être a-t-il eu le choix et a-t-il choisi Story Problem? il devra clarifier ceci pour vous)... Nous avons eu une conversation téléphonique passionnante pour échanger nos idées, au cours de laquelle il m'a avoué entre autres qu'il hésitait à demander la clarification littérale du texte - qu'il aimerait peut-être mieux garder sa propre idée de ce que le « giddyfoot » signifie plutôt que de savoir ce que j'ai eu à l'esprit en l'écrivant ! Ce qui en soi semble très emblématique de la manière dont l'œuvre dans son entier est structurée... de son ouverture et de sa flexibilité. Sincèrement, je sais que les poètes ont souvent fait des textes de commande par le passé - pour des visites présidentielles, des anniversaires, etc. J'ai déjà été « commissionné » pour écrire de cette manière, mais je ne considère pas ces poèmes de commande comme ce que j'ai fait de meilleur. Je crois que les meilleures idées pour des poèmes viennent de l'intérieur, pas de l'extérieur. Mais un autre poète peut sans doute travailler avec beaucoup de bonheur avec ce genre de contrainte à l'esprit.
C.Z. - Pourquoi estimez-vous que votre texte a besoin de l'interaction avec les utilisateurs, et de l'expérience du Web ? Croyez-vous qu'une telle interaction lui apporte quelque chose de plus, des significations nouvelles ou cachées peut-être, que peut-être l'encre et le papier ne peuvent pas vous apporter ? En d'autres termes, pourquoi l'encre est-elle perdante et l'écran gagnant (du moins dans ce cas) ?
T.F. - Mon Dieu, vous semblez insinuer que le poème n'est pas un poème en lui-même ! Je crois que le poème bénéficie effectivement de l'expérience du Web et qu'il pourra être vu et perçu de manière nouvelle et intéressante, et peut-être rejoindre d'autres lecteurs/visiteurs qu'il n'aurait pas rejoints autrement. Il ne me semble pas que c'est à moi de dire si le poème exprime ou non des significations nouvelles ou cachées - vous devrez le demander aux gens qui l'auront lu. Puisque je suis une poète et que j'ai une imagination, il m'est difficile de penser à l'encre et au papier comme n'étant pas « assez », d'une manière ou d'une autre. Erik a également une imagination fantastique qui semble aller dans plusieurs directions différentes de la mienne - et je crois et j'espère que nous nous sommes complémentés l'un l'autre, plutôt que d'avoir tenter avec l'énergie du désespoir d'accoller ensemble deux projets pas-assez-bons-en-eux-mêmes !
C.Z. - À quel point le feed-back de l'utilisateur est-il important pour vous ? Estimez-vous que l'interaction des gens ajoute une « valeur » à votre travail ?
T.F. - L'interaction des gens est absolument nécessaire ! Si l'on veut se connecter au monde - et être compris, ce qui est quelque chose que chacun désire - elle est essentielle.
C.Z. - Pouvez-vous, s'il vous plaît, me parler plus en détail de vos œuvres narratives ?
T.F. - J'ai publié un livre de poésies chez Four Way Books en l'an 2000, intitulé WHY THE SHIPS ARE SHE. Selon moi, les poèmes « narratifs » sont d'habitude des poèmes qui racontent une histoire... et je ne crois pas que mes poèmes soient avant tout narratifs. Ils peuvent inclure certains des mêmes éléments qu'une histoire, mais je pense qu'avant toute chose mes poèmes sont lyriques - je veux dire qu'ils constituent une sorte d'appel au monde extérieur, l'expression d'un désir de chanter - avec une forme qui a plus en commun avec la chanson que le récit.
J'écris depuis mon enfance et j'écris de la poésie sérieusement depuis environ 25 ans. Je ne pourrais pas imaginer de vivre sans poésie, et quand je fais des performances, je comprends alors pourquoi je suis née ! Je continue à interpréter mes poèmes en solo, mais je suis toujours intéressée à faire quelque chose de nouveau. Puisque je suis séduite avant tout par le son et que mes poèmes semblent être plutôt « bruyants » (!) les collaborations avec des musiciens m'ont toujours semblées naturelles.
J'ai souvent performé avec un bon ami à moi, Christian Schmit (qui est également un artiste visuel doué et qui a fait la couverture de mon livre), qui m'accompagne en bruit et en musique tandis que je récite mes poèmes. Nous avons projeté de faire des vidéos, car il y a un aspect visuel à notre performance que les CDs ne peuvent pas capturer (par exemple, nous avions l'habitude de jeter des petites culottes grand format avec des vers de mes poèmes épinglés à l'étiquette pendant un poème intitulé Panty Raid ; une autre fois, nous nous sommes habillés tous les deux comme des superhéros quelque peu dérangés). Dès lors travailler ainsi avec Erik n'était pas une idée étrangère pour moi et c'était une expérience que je désirais ardemment - parce que je sais ce que j'apporte dans une collaboration, mais je ne sais pas ce que l'autre personne apportera, et je ne sais pas ce que le troisième terme que nous produiserons en tandem donnera comme résultat - et j'aime ces surprises et l'anticipation de ne pas savoir.
J'ai également connu par le passé des expériences de collaboration où cela n'a pas marché, et dans ces cas, je pense que l'échec a tenu à ce que le troisième terme n'a pas pu être créé - parce que nous sommes restés séparés et qu'ainsi aucune fusion n'a eu lieu, pour une raison ou pour une autre.
Et une autre merveilleuse surprise apportée par le travail de collaboration a simplement été la compagnie ! Avant d'avoir commencé à collaborer avec d'autres artistes de façon sérieuse, j'avais déjà fait plusieurs performances ici et là par moi-même, et j'étais accoutumée à prendre toutes les décisions de comment/quand/quoi/dans quel ordre. J'ai été stupéfiée par la chimie obtenue en travaillant avec d'autres, simplement en faisant confiance à un collaborateur, j'ai vu toutes sortes de désordres fonctionner magnifiquement, et s'épanouir dans quelque chose que je n'avais pas exactement prévu moi-même, mais dont j'étais fière de faire partie. Je ressens le même sentiment d'étonnement et de ravissement en regardant Story Problem. Croyez-moi, je suis une vraie fan d'Erik !
D'ailleurs, pour plus d'informations que vous aurez jamais rêvé d'en avoir et aussi pour quelques anecdotes amusantes, ne vous gênez pas pour aller lire l'entrevue que j'ai accordée au magazine littéraire en ligne Drought.
Entrevue réalisée par Carlo Zanni
Lisez l'entrevue avec le co-auteur de Story Problem, Erik Loyer, réalisée par Carlo Zanni dans ce numéro.
Lisez le commentaire de Story Problem par Anne-Marie Boisvert & Carlo Zanni dans ce numéro.
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