48 Hours
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48 Hours
48 Hours
œuvre 3


48 HOURS,
de Trevor Dodge, 2003



48 Hours 48 heures dans la vie de l'Amérique.swf


48 heures, de Trevor Dodge, se présente comme un compte-rendu de la vie contrariée de Brandon, amateur de football américain, dont le nom ne lui convient pas, pas assez viril, et qui n'aura accès à l'Internet, le pauvre, que dans 13 ans.

Gena, sa petite amie, s'est fait faire une réduction mammaire, et déteste que Brandon fasse l'amour de façon épisodique avec Terry. La mère de Brandon se souvient d'où elle était à l'annonce de la mort de Kennedy, et son père l'a violée avec un manche à balais.

Le décor est planté.

Dan Rather présente l'émission 48 heures, et il sature l'horizon de nos protagonistes. Parfois son image devient tellement insistante qu'elle finit par envahir tout l'écran, puis par devenir tout l'écran.

Le rêve américain se décline avec ses icônes habituelles : publicités pour voitures, supermarché K-Mart, télévision omniprésente, pornographie banalisée, on pourrait très bien être dans un roman de Bret Easton Ellis.

La spécificité du travail en Flash de Trevor Dodge permet pourtant de s'éloigner de cette thématique maintenant bien connue. S'il donne un échantillonnage très reconnaissable de l'American nightmare, son travail formel sur le texte, et sur l'image, nous montre aussi comment on peut en prendre ses distances, et tout à la fois en rire et en pleurer.

Son texte, par exemple s'inscrit tantôt de façon très arty, comme un calligramme animé, et tantôt avec la brutalité d'un matraquage publicitaire. Il est tantôt recherché, tantôt d'une grande banalité. Il véhicule l'ironie, par le simple choix de la typographie, et de l'ordre d'apparition des mots à l'écran, comme pour l'inscription de « a lot », à plusieurs reprises, qui revient comme une antienne. Enfin, il défile avec une telle vitesse qu'il faut être attentif à le lire en un seul coup d'œil. Tout comme les images d'un clip musical, qui nous bombardent la rétine, cette rapidité oblige à une attention soutenue, sous peine de ne rien comprendre au récit. Ainsi, il perd sa qualité première de texte, la permanence. Traité comme une image, il devient image à son tour, image que l'on doit capter à tout prix pour pouvoir suivre le récit. Et quand on y parvient, quand on parvient à démêler l'écheveau de la destinée de ce pauvre Brandon, c'est pour se rendre compte que sous son apparence d'american life un peu décalée, pleine d'humour, se cache l'absurdité d'un collage dont le manque de sens fait sens.

Les images empruntées à l'univers de la publicité, de la télévision, de la pornographie, ou de la bande dessinée, sont pareillement montées pour faire comprendre leur déracinement total et définitif d'avec leur modèle. Ainsi, dans la séquence finale, quand on apprend que la mère de Terry savait où elle était à la mort de Kennedy, et que l'image de ce dernier apparaît très rapidement au milieu d'une scène pornographique. Il n'y a plus que des images, et ces images ont définitivement quitté leur référent.

C'est ce que nous dit certainement de plus profond l'œuvre de Trevor Dodge.

Croit-on suivre l'histoire banale de quelques américains banals, croit-on lire la critique sociale de cette même histoire, et on finit par se rendre compte que c'était une fausse piste. On ne fait que suivre la mise en scène destructrice de quelques icônes, quelques lieux tellement communs qu'ils en deviennent des non-lieux.

Et on ne sait plus si l'on doit en rire ou en pleurer.


Xavier Malbreil


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