Michèle Waquant, 1997

Le collier et l’arène de Lucca
Du 12 février au 13 avril 1997

 

Présentée dans le cadre d’une collaboration entre le Centre international d’art contemporain de Montréal (CIAC) et les 15e Rendez-vous du cinéma québécois, I’exposition «Le collier et l’arène de Lucca» de Michèle Waquant possède déjà dans son titre énigmatique, tous les pouvoirs d’une intrigue que le spectateur dénouera (peut-être). Trente photographies couleur dévoilent une scène insolite qui se déroule sur une place publique italienne, lieu d’échanges et de rencontres baigné d’une lumière mordorée. C’est celle d’un long collier qui, échappé d’un sac, va circuler de main en main tel un talisman paré de vertus prophétiques, sous I’œil très avisé de l’artiste. N’a-t-elle pas déjà pratiqué cette science de la patience qu’est l’ornithologie?

 

Ici, divers personnages vont et viennent, apparaissent et disparaissent, et prêtent alors à l’objectif et à cette improvisation le visage du jeu et de l’enfance, accomplissant alors une sorte de rituel dont ils sont les seuls à connaître les rouages. Pour accentuer l’action, I’artiste a vaporisé d’encre transparente certains segments de l’image afin d’en souligner les détails iconographiques. Ces découpages rappellent à la fois les close-up cinématographiques qui excitent, orientent et fixent le regard sur le punctum de l’image mais agissent également comme éléments architectoniques. Ceux-ci recadrent et refont la mise en scène pour l’ouvrir sur ce théâtre du doute où s’organise le spectacle intime de la comédie humaine.

 

La présentation linéaire des œuvres qui narrativise ces séquences poétiques à travers des réseaux de correspondances et de dissonances, simule la vie dans son immédiateté et sa brièveté. Dans ces photos devenues aussi de purs haikus visuels autonomes, la narration n’est jamais lisse, limpide et aléatoire. Elle est prise en charge par des tensions, des ruptures qui brouillent la lecture des liens dialogiques entre la nature et l’être humain, I’art et le quotidien. et si la lenteur n’a jamais été un crime pour l’artiste, ses œuvres, tant photographiques que vidéographiques d’ailleurs, ont toutes à voir avec la cristallisation et l’imprégnation du temps et de son travail sur les êtres et les choses.

 

Les deux fonctions du temps se réalisent à travers les notions de rythme, de mouvement, de contemplation active, d’attente, de vigilance, du sentiment d’exil, qui sont au centre des préoccupations philosophiques et conceptuelles de Michèle Waquant. Dans sa quintessence, I’image photographique servira d’assise aux divers éléments plastiques qui mettent en place les cohabitations ténues et discrètes entre l’homme et son environnement, entre leurs traces matérielles et leurs résidus mnémoniques. L’artiste dépose entre la représentation du réel et l’appréhension du monde, le récit de leur décalage perpétuel. Elle vide alors la figuration de toute anecdote pour cadrer un moment, saisir au vol un geste, une action, afin de réinvestir des codes esthétiques, des processus cognitifs et des conventions visuelles. Dans «Le collier et l’arène de Lucca» le sublime s’extrait du pittoresque, et traque dans les figures allégoriques de l’éloignement et de la proximité, celles du mystère et de la banalité.

 

Artiste née en 1948 à Quéhec, Michèle Waquant vit et travaille aujourd’hui à Paris. Elle enseigne la vidéo à l’École nationale des Beaux-Arts de Dijon depuis 1990. Elle a été artiste-invitée à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris en 1994. Associée pendant plusieurs années au collectif de la Chambre blanche de Québec, Michèle Waquant a étudié en philosophie, en esthétique et en arts visuels. Elle a mené depuis vingt ans maintenant, une réflexion aiguë sur la sculpture et la peinture et produit une importante œuvre photographique et vidéographique qui a été exposée ici comme à l’étranger, entre autres: à la galerie René Blouin de Montréal, au Musée d’art contemporain de Monréal, au CREDAS, (Centre d’art contemporain d’lvry-sur-Seine), à la galerie Urbi et Orbi de Paris, à l’Espace Lyonnais d’Art Contemporain de Lyon, au Centre d’art contemporain de Basse-Normandie.

 

Ses bandes vidéo ont été présentées dans de nombreux événements et festivals internationaux: Festival Vidéo Art Plastique d’Hérouville Saint-Clair (France); World Wide Video Festival de 1989 de La Haye (Pays-Bas); 49e Parallèle, Centre d’art contemporain canadien de New York; 3e Festival international de vidéo et de télévision de Montbéliard (France); Mois de la photo de Montréal; 12e Festival du nouveau cinéma de Montréal.

 

Marie-Michèle Cron

 


 

*(Ce texte accompagne l’exposition Michèle Waquant, Le collier et l’arène de Lucca présentée du 12 février au 13 avril 1997, au CIAC-Centre international d’art contemporain de Montréal en collaboration avec les 15e Rendez-vous du cinéma québécois. Commissaire: Marie-Michèle Cron)

 

Nous remercions l’Association des cinémas parallèles du Québec, la Société de développement des entreprises culturelles, Téléfilm Canada, le Conseil des arts de la Communauté urbaine de Montréal, le Service de la culture de la Ville de Montréal, le Conseil des Arts du Canada-Office des tournées, le Consulat général de France, la Commission Permanente de coopération France Québec et les Brasseurs GMT Montréal.