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œuvre 2
where are you? d'Olga KISSELEVA (Russie/France), 2003
Projet produit par le Groupe Molior (Montréal) et La Chambre Blanche (Québec).
Dans son œuvre intitulée Where are you ?, Olga Kisseleva nous convie à un véritable jeu de détective. Une image nous est proposée, représentant l'une ou l'autre des quarante villes prises en photo par l'artiste à travers le monde. Le but du jeu est de tenter de reconnaître - nous avons pour cela seulement quinze secondes ! - de quelle ville il peut s'agir, en se basant sur tel ou tel indice - un monument que l'on croit pouvoir identifier, l'aspect d'une rue, parfois l'apparence des gens, etc, - puis de cliquer sur l'un ou l'autre nom de ville qui nous semble être le bon. Plus souvent qu'autrement, nous faisons erreur et un message s'affiche, décevant pour nos talents de déduction : " Wrong city! " Nous pouvons toujours alors tenter notre chance à nouveau en cliquant sur le bouton " Refresh ". Après quelques tentatives, frustrés, nous finissons par cliquer un peu au hasard, puis systématiquement, sur tous les noms, pour en arriver à tomber éventuellement, puis fatalement, sur la bonne réponse. Encore une fois, plus souvent qu'autrement, cette bonne réponse nous surprend. Moralité : " Peut-être n'êtes-vous jamais là où vous croyez l'être… "
Car en somme, comment reconnaît-on une ville? Il y a ce que l'on en voit, ce que l'on en vit, ce que l'on en imagine, en rêve ou en redoute… tout cela se combinant, bien sûr, dans l'expérience qu'on en fait.
Ainsi, une ville, c'est aussi, c'est d'abord, une image, un visage, les souvenirs - de lectures, de films ou de photos, de voyages, de rencontres, de hasards - qu'on y associe. Une ville, trop souvent, c'est aussi un cliché : la tour Eiffel à Paris, Paris ville-lumière, les gratte-ciel de New York, ville-symbole de l'american way of life (les terroristes du 11 septembre 2001 ne s'y sont pas trompés), l'antiquité du Caire, la gloire déchue de l'ancienne Égypte et l'actuel tiers-monde…
Ainsi, une ville, c'est davantage qu'un ensemble architectural de pierre ou de béton : une ville, c'est (d'abord) l'idée qu'on s'en fait.
En ce sens, la ville est toujours déjà virtuelle - et c'est bien sûr une des raisons pour laquelle le cyberespace a pu être si spontanément et si généralement comparé à une ville. Car la ville, lieu privilégié de rencontres et d'échanges, lieu d'histoire(s) véritables ou potentielles, plonge ses racines dans le passé, se projette vers l'avenir qu'elle anticipe : à la fois centre et lieu de passage, elle est elle aussi à la fois permanente et fugitive. Ainsi les influences architecturales, les modes de vie, les modes tout court, n'ont certes pas attendu l'ère moderne pour se disséminer, se mélanger, se confondre. Bien sûr ces échanges se sont vus multipliés et accélérés par le grand mouvement d'industrialisation et maintenant, de mondialisation de l'époque contemporaine. Faut-il parler d'évolution, ou déplorer la standardisation? Certes il y a des buildings au Caire, il y a des églises gothiques à New York. Ces villes en perdent-elles pour autant leur visage - c'est-à-dire en somme, leur individualité, leur identité?
Ce n'est pas si simple. Car trop souvent, l'idée qu'on peut se faire d'une ville est trompeuse - tout simplement parce qu'elle est trop simplifiée. Pour chaque ville, il y a la ville des habitants, la ville des touristes, la ville des historiens, des urbanistes, des promoteurs ou des activistes, des pauvres, des riches, des marginaux… la Ville proprement dite étant une réalisation somme toute toujours en mouvement, en suspens, entre harmonie et dysharmonie, fruit de confrontations et d'échanges, à la fois réelle et idéalisée… Ce sont toutes ces questions que l'œuvre de Kisseleva permet, avec humour et légèreté, de soulever, dans un jeu interactif et fugitif que seul le Web peut offrir.
Anne-Marie Boisvert
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