Bruno LATOUR, Émilie HERMANT et Patricia REED, Paris ville invisible
Bruno LATOUR, Émilie HERMANT et Patricia REED, Paris ville invisible
Bruno LATOUR, Émilie HERMANT et Patricia REED, Paris ville invisible
Bruno LATOUR, Émilie HERMANT et Patricia REED, Paris ville invisible
œuvre 3


Paris ville invisible,
de Bruno LATOUR [texte], Émilie HERMANT [photos] et Patricia REED [design Web] (France), 2004



Bruno LATOUR, Émilie HERMANT et Patricia REED, Paris ville invisible « sociology may be construed as the science of associations and not only as the science of the social. »

Bruno Latour
1


Ce que les auteurs nous donnent ici à voir, ce n'est pas le Paris Ville Lumière, le tout (de) Paris, mais le Paris ville-réseau, le Paris ville-parcours (de) signifiants - de signe en signe, du mot au signe au panneau au référent à la chose, les cartes, les maquettes, les modèles, électroniques ou en carton, « tenant lieu de », « comme si », « mis pour », et qui cependant sont bien ce qui permettent à la Ville de continuer à circuler, à fonctionner, à respirer, à vivre… Le Paris virtuel : non au sens de factice, mais au sens de Paris des possibles, de ce qui rend possible Paris, en mettant en réseau la supertructure avec l'infrastructure, l'organisation et la planification avec la prospective, le passé et le présent avec l'avenir…

Un découpage/montage de la Ville en quatre grands niveaux nous sont présentés dès l'entrée, soit 1. CHEMINER, 2. DIMENSIONNER, 3. DISTRIBUER et 4. PERMETTRE. Au clic de notre souris, chacun s'ouvre sur un parcours particulier dans Paris, illustré (à gauche) par un tracé reliant entre eux des petits carrés figurant autant de plans (il y en a 53 en tout, pour les quatre niveaux), qui chacun cadrent et recadrent l'un ou l'autre aspect de la Ville afin d'en proposer des modes (à la fois partiels et multiples) d'illustration et d'exploration. Le visiteur peut choisir de cliquer sur l'un ou l'autre de ces plans, soit en suivant le parcours avec soin, comme un promeneur consciencieux, ou au contraire un peu au hasard, en musardant : différentes images s'affichent alors à droite, parfois dans un mouvement panoramique (avec une vue de la Ville à vol d'oiseau), parfois au contraire en format réduit (le visiteur pouvant s'essayer à jouer de sa souris sur ces images pour les agrandir, les faire défiler ou bouger, etc.). Souvent ces images sont distribuées dans l'espace du cadre comme sur une carte routière ou stratégique, et reliées entre elles par des traits suggérant une mise en forme - et en conséquence une mise en lumière - de situations, de relations, d'associations, de connivences ou d'interdépendances. Celles-ci peuvent se révéler à chaque fois partielles et fragiles, éminemment (bien que pas absolument) modifiables et malléables, mais cependant, elles sont fonctionnelles : car ce qu'elles servent à relier, ce sont à la fois le local et le global, le particulier et le général, le détail et l'ensemble, les choses et les signes des choses, et aussi leurs agents, leurs exécutants, leurs acteurs; ce qu'elles servent à créer, ce sont des lieux et des modes de passage, d'échange, d'organisation, de transmission, de mémoire, et ce sont ces lieux et ces modes rassemblés qui bâtissent la Ville, par couches ou par segments, par quartiers ou par réseaux.

Enfin, le texte de Bruno Latour s'affiche par fragments au bas des images de chacun de ces plans pour leur servir d'accompagnement et de commentaire (un clic permettant de lire le passage en son entier). De quoi ce texte nous parle-t-il? Il nous informe du fonctionnement de la Ville dans tel ou tel domaine pratique (la circulation automobile, le maintien des monuments, etc), il nous met au courant de faits, de statistiques, nous raconte en plus des anecdotes, et nous fait de petits récits qui prennent souvent l'allure d'apologues. Il nous parle de la Ville invisible. Non au sens de la Ville intangible, insconsciente, évanescente, fantômatique : mais telle que l'entend Italo Calvino dans son ouvrage du même nom, c'est-à-dire « un catalogue d'emblèmes »2 qui nous donnent à voir, à lire et aussi à sentir la Ville, c'est-à-dire à l'imaginer et donc à la faire vivre.

Le Web se révèle ainsi un instrument privilégié pour une exploration opératique de la Ville3, les auteurs mettant à notre disposition, sur le Web, un document multimédia et multidimensionnel qui explore et qui informe, et aussi qui questionne la Ville et l'idée de la Ville, en somme, une œuvre riche et réussie.





Notes
1 : Bruno Latour, Introduction à Reassembling the Social - An Introduction to Actor-Network-Theory, à publier chez Oxford University Press.   

2 : Italo Calvino, Les villes invisibles, Coll. Points, Ed. du Seuil, 1972 (1974 pour la traduction française), page d'introduction (p : 3). [Le città invisibili, 1972].  

3 : Notons que l'ouvrage de Bruno Latour avait déjà paru auparavant (il y a six ans) sous forme de livre « traditionnel » ; l'œuvre est maintenant présentée sur le Web avec pour sous-titre : « un diorama sociologique » - « a sociological web opera » en anglais.  





Anne-Marie Boisvert

haut de page
retour

 sommaire
 introduction
 œuvre 1
 œuvre 2
 œuvre 3
 œuvre 4
 œuvre 5
 entrevue
 compte rendu
 crédits
 archives
 liens
 collaboration
 abonnement
 forum des lecteurs
 biennale de montréal
 contact