œuvre 5
INSTANCE CITY de Riccardo ZANARDELLI (Italie), 2002
« INSTANCE CITY se présente sous la forme d'un Java applet dans une simple page Web en HTML. Au plan esthétique, cette œuvre permet de faire apparaître sur l'écran ce qui semble être la silhouette d'une ville, un paysage en perspective où des bâtiments s'étagent selon un point de fuite fictif. Mais derrière le résultat esthétique, le concept à l'origine de cette œuvre, son coeur, est la création-processus de chaque forme simple (rectangle), fournie par une structure algorithmique générée de manière aléatoire. INSTANCE CITY ne définit pas dans son code-source des valeurs fixes pour les formes qui y sont générées, mais seulement des séries de valeurs qui se combinent avec des nombres aléatoires générés en temps réel au moment où le browser exécute le code. Ainsi, chacune des silhouettes de chacune de ces villes est composée avec un nombre aléatoire de rectangles, aléatoirement classés et placés (d'après un ensemble de règles algorithmiques) afin de créer un résultat signicatif sur l'écran. Ainsi la classe générique (telle que définie par l'algorithme) est chaque fois instanciée à l'aide de nombres aléatoires pour produire une image unique sur l'écran. »
Riccardo Zanardelli1
Chaque « ville », ici, demeure donc, au plus simple, une épure. Même pas un idéal, une vision, un rêve, politique, utopique ou prospectif : seulement une production mathématique, générée de manière aléatoire, sitôt vue, sitôt anéantie. Soit en noir et blanc , soit en couleur (en bleu, vert ou rouge)2, les rectangles aux couleurs unies et de dimensions diverses s'assemblent et s'étagent, avec des dégradés de teintes les uns par rapport aux autres qui permettent de susciter pour le regard une certaine profondeur dans l'espace, et de suggérer ainsi une certaine concentration urbaine. Du moins au point de vue architectural. Autrement, pas d'ouvertures : pas de rues, pas de fenêtres ou de portes. Pas de vie non plus : aucune apparence d'activité, aucun passant, aucun événement, aucune rencontre. Le résultat pourrait sembler oppressant, angoissant. Mais l'abstraction et disons-le, la beauté et l'élégance visuelle de l'œuvre lui permet d'éviter ce piège. Son apparence éphémère, aussi, du fait de son mode de création (par ordinateur) comme de son support (sur un écran), l' « œuvre virtuelle » (au sens aristotélicien du terme, d' « oeuvre en puissance »), c'est-à-dire la classe générique définie par un algorithme, ayant autant, sinon davantage, de valeur, que l' « œuvre en acte » - c'est-à-dire la série (produite de manière aléatoire) des instanciations de cette classe, les « instances de ville ».
Pourtant, ces visions fugitives de villes abstraites, élusives, sitôt vécues, sitôt mortes, peuvent en venir à composer pour leur visiteur - en accéléré ! - de singulières Antiquités, évocations de villes qui auraient été, seraient, auraient pu être, seront peut-être, ou peut-être jamais… Les formes rectangulaires un instant assemblées dans l'espace de l'écran, seulement préservées parfois de manière bien précaire par une capture d'écran, finissent ainsi par réaliser, de par leur fragilité même, pour le visiteur, une version ultra-contemporaine du topos bien connu à la Renaissance et à l'âge classique (et qui se retrouve, sous une forme plus subjective, dans le Romantisme, comme entre autres chez Chateaubriand) : celui de la vanité de la vie et des entreprises humaines, telles qu'exemplifiées par les ruines des villes évanouies sur lesquelles le philosophe, le poète ou le peintre va songer.
Du Bellay, Joachim, Le premier livre des antiquitez de Rome. Num. BNF de l'éd. de [Paris] : [impr. de F. Morel], [1558]. in-4
Notes
1 : Synopsis écrit par l'artiste, cf. www.misterverynice.org/
2 : Version en noir et blanc
Version en couleur
Anne-Marie Boisvert
haut de page
retour
|