Kcho / Alexis Leyva Machado, 1996

Para olvidar
Du 1er au 29 septembre 1996

 

Cette exposition présentée au Centre international d’art contemporain de Montréal (CIAC), est la première que l’artiste tient au Canada. Il y expose deux œuvres nouvelles: Para olvidar 1996 (Pour oublier), une œuvre faisant partie d’un corpus du même nom dont une version, présentée à la Biennale de Kwangju 1995 en Corée du Sud, lui a mérité le Grand prix de cette Biennale; la deuxième œuvre, La Columna infinita, 1996, (la colonne sans fin) fait partie des premières œuvres verticales réalisées par l’artiste. La hauteur de la salle d’exposition du CIAC, avec ses six colonnes, n’est pas étrangère à ce choix.

 

Le thème de l’insularité et du besoin de communiquer avec l’extérieur et celui de la culture populaire cubaine et de ses manifestations sont autant de sujets que KCH0 développe dans son œuvre.

 

Au plan visuel, cela se traduit par l’utilisation de matériaux et d’objets du quotidien, objets abandonnés, objets utiles, objets de loisirs, matériaux réutilisés dans le contexte de l’art pour les réinscrire, d’une manière autre, dans la culture du pays.

 

La Columna infinita est composée d’un empilement d’objets qui ont la propriété de flotter: des canots et des kayaks, des rames, des chambres à air, des cageaux de bois, des voiles, de vieilles bouteilles, du mobilier, des barils… Un ensemble hétéroclite d’objets mis à contribution pour recomposer, par titre interposé, «la colonne sans fin» de Brancusi. Celle-ci, créée par la répétition d’une forme simple et identique, devient chez KCH0 une accumulation d’éléments complexes et diffèrents. Par le choix des objets utilisés, KCH0 suggère une métaphore qui rappelle les essais répétés et toujours répétés des «balseros» (réfugiés de la mer) partis à la recherche d’un paradis, d’un idéal qu’ils imaginent ailleurs.

 

«La colonne sans fin» de Brancusi, objet à la recherche de la perfection plastique, est devenue, avec La Columna infinita, un objet à la recherche d’un équilibre qui tient compte de la multiplicité des formes. Il y a dans cette œuvre comme une mise en abîme des projets trop bien construits, des organisations systématiques. La Columna infinita, devient la métaphore de la chaîne humaine dans toute sa diversité et dans tous ses espoirs. KCH0 ajoutera que «la flottaison est tout: les idées flottent, les désirs flottent, la terre flotte, la vie flotte». Nous sommes sur une ile flottante à la recherche du bonheur au millieu de sentiments «flottants», mixtes, vagues.

 

Dans l’œuvre Para olvidar, KCH0 réunit un kayak entouré d’un nombre impressionnant de bouteilles de bière. Ce travail fait partie d’un ensemble d’œuvres «dédiées au désir d’oublier, à la nécessité de se déplacer d’un endroit à un autre, et d’oublier l’endroit que l’on a laissé derrière soi». De nouveau, la présence de la barque rappelle les «baliseros» qui quittent un pays dans la douleur à noyer. Le paradis artificiel, créé momentanément, permettra-t-il à ces hommes et à ces femmes de rejoindre un autre paradis rêvé? Jusqu’où l’illusion les portera-t-elle? On devine la vague et la houle sur laquelle se son déplacés les voyageurs absents. Il y a des situations difficiles qui demandent un oubli proportionnel au malheur.

 

Para olvidar nous rappelle une situation vécue par plusieurs exilés autour du monde, partis à la recherche d’un asile meilleur, d’un rêve qui existerait. L’œuvre nous rappelle aussi notre propre misère noyée dans les paradis artificiels quand l’espoir est perdu: «Pour oublier» la difficulté de vivre; «Pour oublier» le déchirement intérieur.

 

KCHO raconte avec un grand Iyrisme et une retenue exemplaire les contradictions de l’existence. L’homme voudrait-il construire un monde parfait que la dynamique naturelle de son environnement, formé d’éléments composites tirant dans des directions opposées, lui montrerait la futilité de son projet. La justesse de l’inscription de son œuvre dans la situation géographique et sociale où il vit, font qu’il rejoint le nœud de la problématique entre le rêve et la réalité, entre l’oubli réparateur et la dure vérité du moment à vivre.

 

Avec des éléments du quotidien d’une grande simplicité, KCHO témoigne d’un quotidien absurde, de la recherche d’un équilibre entre demain et aujourd’hui, entre la vie à maintenir et la mort qui se montre belle et salvatrice. L’œuvre génère des métaphores plausibles qui dépassent les liens directs de l’œuvre avec la situation cubaine. Les compositions plastiques de KCHO sont claires, directes, épurées. L’accumulation d’objets reste à l’intérieur d’un champ déterminé ce qui augmente la concentration de la vision et évite l’éparpillement du sujet. Elle atteint une grande simplicité esthétique.

 

KCHO est né en 1970 à Nueva Gerona Isla de la Juventud à Cuba. Il vit et travaille à La Habana. Au cours des dernières années, il a exposé régulièrement à Cuba faisant partie de la Biennale de La Habana en 1991 et 1995. Son travail a aussi été vu au Centro Wilfredo Lam de La Habana à plusieurs occasions. À l’extérieur de son pays, il a participé à plusieurs expositions de groupe, mentionnons seulement en 1995: la Biennale internationale d’lstanbul en Turquie; «Our Century», Museum Ludwig, Cologne, Allemagne; la Biennale 1 de Johannesburg, Afrique du Sud; en 1994, «Cocido y crudo», Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia, Madrid, Espagne; la 22e Biennale de Sao Paolo, Brésil. KCHO est représenté par la Barbara Gladstone Gallery de New York; il y a tenu sa première exposition du 23 mars au 20 avril 1996.

 

Claude Gosselin

 


 

*(Cette fiche accompagne l’exposition KCHO, Para olvidar présentée du 1er au 29 septembre au ClAC – Centre international d’art contemporain de Montréal, dans le cadre de la 11e édition des Cent jours d’art contemporain de Montréal, 1er septembre – 24 novembre 1996. Nous remercions KCHO, Helmo Hemandez, président de la Fundacion Ludwig de Cuba, Jillian Llaves, directrice du Centro Wifredo Lam à La Habana, Barbara Gladstone et Pirosjka Keersebilck de la Barbara Gladstone Gallery à New York, et tout particulièrement René Azcuy Pinero pour sa précieuse collaboration, ainsi que tous les Associés du CIAC. Nous remercions aussi les partenaires de ce projet: Danielle Laferrière de la Brasserie Molson – O’ Keefe, Paramount Décor, La Maison du 7e Art, le Musée de la civilisation de Québec, le Club nautique Le Pingouin de Ste-Anne-de-Bellevue et I’École de voile de Lachine.)