Un mandat à préciser pour le
Musée des beaux-arts de Montréal?
Par Claude Gosselin, C.M., 20 juillet 2020
C’est une bien triste histoire qui frappe le Musée des beaux-arts de Montréal.
De l’extérieur, le musée reçoit des éloges de satisfaction pour la vision et la programmation mise en avant par la directrice Nathalie Bondil; de l’intérieur, le musée reçoit des plaintes du personnel professionnel pour la mise en place d’un climat de travail malsain. Les deux camps reçoivent des appuis importants d’individus et de groupes privés et publics.
Nous sommes le premier à reconnaître l’immense travail d’ouverture et de repositionnement de la notion de musée que Nathalie Bondil a mis en place et nous lui en sommes très reconnaissant.
Un comité externe doit enquêter et remettre un rapport au gouvernement québécois, principal bailleur de fonds. S’il est nécessaire de se pencher sur la gouvernance de l’institution et de clarifier les devoirs de chacun, ne pourrait-on pas profiter de cette occasion pour préciser le mandat du musée.
S’il est vrai que nous avons besoin du MBAM pour nous faire connaître les meilleurs artistes et les meilleures productions artistiques de la scène internationale, n’en serait-il pas tout autant une priorité du musée de nous faire connaître l’art et les artistes du Québec et du Canada?
Au cours des dernières années, les principales expositions du MBAM (celles pour lesquelles on a mis de gros budgets et pour lesquelles on a alloué les meilleures salles) ont mis en avant des artistes et des mouvements artistiques de la scène internationale. À l’occasion, on aura présenté des artistes d’ici en accompagnement dans des salles adjacentes ou dans le sous-sol. Quel retour sur les investissements majeurs des gouvernements du Québec et du Canada et ceux des mécènes privés et des membres du musée avons-nous reçu pour le développement des artistes et des mouvements artistiques de chez nous? Très peu sur un budget annuel très important.
On peut comprendre l’insatisfaction des conservateurs du musée, qui voient leurs rôles réduits à celui d’adjoints de commissaires étrangers ou invités, à la production d’expositions de peu d’envergure et à la rédaction des notes sur des œuvres pour leur acquisition ou pour le magazine du musée. Combien d’expositions majeures leur a-t-on permis de développer? Ce n’est pourtant pas à cause de leur manque de connaissances ou de professionnalisme. Ce n’est pourtant pas à cause d’un manque de sujets à développer sur l’art au Québec et au Canada et les liens avec les Amériques? On se souviendra avec plaisir de l’exposition Une modernité des années 1920 à Montréal-Le Groupe de Beaver Hall en 2015 de Jacques Des Rochers ou Grandeur nature : peinture et photographie des paysages 1860-1918 en 2009 de Hilliard T. Goldfarb. Comment se fait-il que nous n’ayons pas encore au MBAM des salles permanentes consacrées à l’ensemble des artistes du groupe des Automatistes, qui a été si important au Québec et au Canada?
Nous ne serions pas surpris d’apprendre que ces conditions de travail soient aussi liées au développement d’un climat de travail « nocif » depuis plusieurs mois, voire quelques années. Or nous avons besoin de ces professionnels et professionnelles pour assurer le mandat du musée. Espérons que le comité d’enquête sur la gouvernance du musée saura nous donner les balises nécessaires au Musée des beaux-arts de Montréal pour réaliser un mandat clair sur ses obligations de développer une muséologie ouverte à l’international, mais aussi au développement, à la connaissance et à la promotion des artistes et des mouvements artistiques au Québec et au Canada.
Claude Gosselin, C.M.
Directeur général et artistique
Centre international d’art contemporain de Montréal
claude.gosselin@ciac.ca