Exposition présentée par le CIAC MTL au CDEx, UQAM, 405 rue Sainte-Catherine Est (angle Saint-Denis), Montréal, local J-R940, du 5 au 21 août 2019, de 12 h à 18 h.
Les oeuvres de la série Napi nu et autres histoires d’Adrian Stimson ont d’abord été présentées à la SUM Gallery à Vancouver en 2018, puis à la Edmonton Art Gallery en 2019 et à la Paul Petro Contemporary Art à Toronto en juin-juillet de cette année. «En tant qu’indigènes, notre existence est politique dans ce pays. Toute ma vie, j’ai été exposé au racisme présent chez nous et j’ai combattu ce fléau que j’ai subi dès mon enfance», dit Stimson. Les bispirituels, croit-il, livrent le même combat que les bisons il y a 150 ans. «Buffalo Boy», surnom adopté par Stimson, est le personnage qu’il incarne dans plusieurs de ses œuvres.
Photographie © Guy L’Heureux
ADRIAN STIMSON RACONTE :
Lors de ma maîtrise à l’Université de la Saskatchewan, j’ai rédigé mon mémoire intitulé «Too Two Spirited for you; l’absence et la présence de bispirituels dans la culture et les médias occidentaux». Une partie de la recherche consistait à remonter dans le temps précisément aux premières rencontres entre les peuples autochtones et non autochtones afin de voir s’il y avait des représentations de personnes bispirituelles.
Theodore De Bry se distingue parmi une panoplie d’artistes. En effet, De Bry, qui n’a jamais visité les Amériques, a créé un certain nombre de gravures illustrant diverses réunions entre conquistadors et populations autochtones, ainsi que des représentations de la vie autochtone. Ces représentations étaient basées sur des récits hautement stylisés et détaillés, et souvent dépeints d’actes violents envers la population autochtone renforçant ainsi le récit de la conquête coloniale.
Les images de De Bry sont la preuve de la diversité de la sexualité dans le pré-contact américain. Elles prouvent, entre autres, que pour les colonisateurs, la sexualité autochtone était à craindre, à vaincre ou à détruire. Par exemple et comme le prouvent ses gravures de nombreux individus qualifiés de «sodomites» mis à mort, elles poussent ainsi à la clandestinité ou éradiquent deux états spirituels, sexualité et cérémonie. La moralité chrétienne occidentale n’était pas compatible avec les populations autochtones américaines; c’est alors qu’un processus systémique visant à éradiquer les modes de vie autochtones a été mis en place; guerres indiennes, famines, couvertures contaminées, assimilation agressive et pensionnats étaient parmi les nombreuses politiques racistes mises en œuvre. Politiques, qui, d’ailleurs, se poursuivent encore à ce jour.
Historiquement, les peuples autochtones étaient des êtres sexuels et n’avaient pas honte du sexe ou de leur corps. La nudité était normale, le corps humain faisait partie de la nature. La sexualité était diverse et devait être célébrée.
Pour les Blackfoot, beaucoup de nos histoires ont un contenu sexuel, le sexe et la sexualité étant souvent intégrés de façon langagière. Une amie travailleuse culturelle, chargée d’enregistrer les aînés il y a de nombreuses années, m’a confié à quel point il était complexe de traduire les enregistrements des femmes plus âgées. Elle a déclaré: «c’était comme si j’étais dans un vestiaire d’hommes», leurs manières de décrire étaient à la fois crues et amusantes. L’usage d’un langage aussi simple de la sexualité prouve que nous n’avions pas peur de notre sexualité ni de la morale occidentale. Nous ne sommes pas liés aux idées occidentales de piété, de honte et de peur du sexe et de la diversité sexuelle. Pourtant, le mal est fait et maintenant, à notre époque, nous avons le droit et le devoir de récupérer notre histoire sexuelle. J’ai présenté pour la première fois Naked Napi à la galerie SUM à Vancouver. Je présente maintenant Naked Napi Big Smoke à Toronto. J’espère que cette série de peintures incitera les gens à comprendre et à accepter nos modes de vie – Être Napi, créer des histoires pour notre temps et notre bispiritualité.